dimanche 24 avril 2011
Tiers état
Ce qu’ils sont capables de faire simplement, les Américains, quand Barack Obama s’en va parler économie sur Facebook et dialogue avec Mark Zuckerberg, tycoon de 26 ans, sans l’ombre d’une condescendance…
Ils ont tous les défauts du monde, mais il leur reste ceci qui rattrape tout le reste: Obama chez Facebook, Clinton jadis sur MTV, la culture rap à l’unisson des autres, Internet dans le réel, la jeunesse égale au cœur de la cité… Une capacité à se mouvoir dans le monde, tel qu’il est… En comparaison, nous sommes des arthritiques de la politique, enkystés dans nos vieilles formes, et nos adultes gouvernants des largués du jeunisme…
C’est pour cela qu’un appel lancé par Bruno Laforestrie, 38 ans, patron d’une radio rappeuse, Générations, mérite d’être entendu. L’intitulé est convenu, "l’appel du 21 avril", qui s’inscrit dans l’obsession française pour les commémorations morbides; et ce que les médias en ont retenu, la demande d’une candidature unique des gauches en 2012, est basiquement tactique. Mais c’est notre plaie médiatique de tout ramener à l’angle politicien. Il faut aller à l’essentiel, et lire les textes qui accompagnent l’appel. On y trouvera un manifeste brut et brouillon du nouveau tiers état, qui exige l’union au nom de sa survie: tiers état des jeunesses précarisées, qui payeront les dettes des adultes, jeunes retenus en marge des pouvoirs, jeunes condamnés à l’apartheid des ghettos ethniques et sociaux, jeunesse dont la culture Internet, le rap, les réseaux restent folkloriques dans les médias dominants. Tandis que la France estampillée surveille ses frontières et ferme ses écoutilles, assassine son futur et nie son présent…
Ce sont des textes d’ambitieux, experts de Terra Nova ou jeunes cadres du PS, qui gémissent d’impatience dans une gauche en mal de renouveau. Ils percutent notre société-étouffoir mais oublient au passage que la planète alentour brûle sous nos pieds – et c’est pour cela que Hulot est allé leur parler, pour verdir leur avenir… Mais ce mouvement, même imparfait, pose les dilemmes essentiels d’une classe politique qui ne peut plus jouer, dans un pays qui doit retrouver des raisons de s’aimer.
Un défaut des Américains, puisqu’on en parlait, c’est d’écrire négligemment sur les pays de moindre importance: c’est ainsi que le magazine Time a installé Marine Le Pen parmi les 100 personnes les plus influentes dans le monde, ce qui est une plaisanterie: servie par son talent et quelques idiots utiles, la cheftaine frontiste déboussole la France en lui rendant l’extrême-droite tolérable, mais elle est loin de toiser la planète! Time, en l’honorant, nous rappelle simplement à quel point nous pouvons inspirer l’inquiétude, Gaulois apeurés, fatigués que nous sommes. Mais il ne tient qu’à la France d’être à nouveau aimable au monde.
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