TOUT EST DIT

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mercredi 13 octobre 2010

Sortie périlleuse

La cacophonie statistique n'y changera rien. La nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites est montée d'un cran. Ce n'est pas seulement une réussite pour les syndicats. C'est une leçon pour ceux qui croyaient pouvoir enfermer leur mouvement répétitif dans un rituel d'opposition limité, symbolique, conservateur.

Quelle que soit son issue, l'énorme contestation en cours laissera de lourdes traces, sans forcément attendre l'échéance politique de 2012. Car elle s'enracine - et c'est nouveau en France - dans un profond sentiment d'injustice, stimulé par un climat détestable (affaires Bettencourt, Kerviel, Tapie), à forts relents d'argent « suspect ». Et par une politique jugée discriminatoire (bouclier fiscal) par ces temps d'emploi et de pouvoir d'achat mal partagés.

L'Élysée pensait peut-être avoir fait l'essentiel en lâchant, au Sénat, quelques aménagements en faveur des femmes. C'est raté. Bien sûr, la loi, c'est entendu et c'est normal, aura le dernier mot. Mais la sortie du conflit s'annonce plus périlleuse que prévue. Même si le pouvoir n'a pas engrangé, hier, que de mauvaises nouvelles.

Finalement, le secteur public est resté le pied un peu sur le frein. Surtout, la locomotive des cheminots de la SNCF n'a pas assuré le plein rendement protestataire dont on la sait capable. Habilement épargnés par la réforme en cours, les leaders de 1995, qui portaient la procuration des Français contre le gouvernement Juppé, ont apparemment pris leur retraite. À moins qu'ils n'aient renoué avec une vision plus corporatiste et plus réaliste de leur action, dans un cadre réglementaire désormais plus contraignant et plus coûteux.

Restent trois mauvaises nouvelles pour le gouvernement.

1) La poussée de la mobilisation favorise l'émergence de nouvelles surenchères d'une frange syndicale radicale, plutôt que le repli organisé des confédérations réformistes, soucieuses d'atterrir dès lors que la messe sénatoriale semble dite. Elle alimente le scénario du durcissement sinon du pire.

2) Accélérée par les relais d'Internet, la montée en ligne des lycéens et des étudiants augure aussi d'une situation difficile à canaliser. On le sait d'expérience, la grammaire revendicative de la jeunesse n'a pas forcément grand-chose à voir avec les tables de la loi syndicale des adultes. D'une contestation cadrée et responsable, on pourrait, le cas échéant, tomber dans un mouvement désordonné et incontrôlable, propice à tous les débordements.

3) On pourrait aussi basculer - le blocage des raffineries et les grèves reconduites aidant - d'une crise sociale dans une crise économique, sinon arrimer l'une à l'autre. Par ces temps de déprime et de croissance molle qui la caractérise, la France n'en a sûrement pas besoin.

Face à ce regain de tension et de risques, le gouvernement reste droit dans ses bottes. Il n'a pas le choix, sauf à désespérer son camp et à injurier l'avenir. Seulement voilà : il n'a plus de cartes en main. En jouant sur un calendrier serré, il espérait prendre les syndicats de vitesse. Le voilà pris à son propre piège. Dans l'impasse et au bord d'une crise majeure dont il serait bien hasardeux d'identifier les bénéficiaires. Mais qui aurait des perdants.

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