mercredi 30 mai 2012
L’horreur au quotidien
Il arrive un moment où les mots, comme les chiffres d’ailleurs, n’ont plus de sens, plus de rapport avec la réalité. Les 108 morts de Houla ne sont qu’une ligne de plus dans le décompte d’une quotidienne horreur syrienne à laquelle on a fini par s’habituer. On s’habitue à tout, la barbarie est tellement fastidieuse.
Scrupuleusement, les pays occidentaux tiennent les chiffres à jour : 13 000 morts en 14 mois, sans compter les estropiés à vie, les orphelins et les enfants torturés. Régulièrement, leurs dirigeants s’indignent, dénoncent, condamnent, s’émeuvent. Tout ça est parfait mais ne dit plus rien. Seules aujourd’hui les images parlent encore.
Et les images, ce sont celles, visibles ces dernières heures sur internet, qui montrent des dizaines de petits linceuls blancs alignés dans des fosses communes et des crânes de gosses défoncés. La réalité syrienne c’est celle-là et elle est insupportable. Comme l’inaction de la communauté internationale dans laquelle on inclut évidemment la Ligue arabe.
Tant que les grandes démocraties se contenteront de condamner en termes diplomatiques ses exactions, Bachar al-Assad poursuivra son œuvre d’auto-destruction. Pourquoi s’arrêterait-il ? Il avait fallu des semaines de bombardement sur la Libye et une conséquente aide matérielle et stratégique aux insurgés pour que Kadhafi finisse par lâcher prise. Pourquoi en serait-il autrement cette fois ?
Il y a toutefois paradoxalement un (faible) message d’espoir dans l’atroce escalade de ces derniers jours. Ce regain de violence montre que le régime syrien est à un tournant, qu’il lui faut rapidement emporter la partie. Donc, selon son interprétation, répondre à l’insurrection par l’épouvante.
Le vent est peut-être en effet en train de tourner. Bouclier de protection de la Syrie, la Russie semble sur le point de lâcher du lest. Hier, pour la première fois à notre connaissance, elle a affirmé, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, qu’elle ne soutenait pas le pouvoir d’al-Assad, mais le plan de Kofi Annan. Certains très au fait du langage diplomatique y ont vu une porte entrouverte.
Il arrive un moment où les mots n’ont plus de sens c’est vrai, mais c’est parfois la seule chose à laquelle se raccrocher.
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