mercredi 30 mai 2012
L’ETAT DE LA FRANCE : LA FRANCE MALADE DE L’ETAT
Nous
voici à mi-chemin entre présidentielles et législatives. La nouvelle
majorité est en place, les premières décisions ont été annoncées par le
gouvernement, et le pouvoir attend d’être confirmé dans les urnes,
tandis que l’opposition mise sur une cohabitation.
Quels
que soient le résultat et le gouvernement qui sortira des urnes, le
même ou un autre, la réalité économique s’imposera à lui et elle n’est
pas bonne. L’état de la France est alarmant. Pour l’améliorer, il faut
poser le bon diagnostic : la France est malade de l’Etat.
Croissance zéro
L’économie
française va mal ; elle n’est pas la seule, mais cela n’est pas une
consolation. La maladie des autres ne nous guérit pas pour autant ; mais
beaucoup de nos partenaires se sont lancés dans des réformes, alors que
nous persévérons dans l’erreur.
La
récession est à nos portes. Les prévisions de la Commission européenne
ne sont guère optimistes : le PIB progresserait en 2012 de 0,5%
seulement et en 2013 de 1,3%. Evidemment, c’est mieux que la Grèce
(-4,7%), le Portugal (-3,3%), l’Espagne (-1,8%) ou l’Italie (-1,4%).
Mais on peut douter que ce soit pour nous des modèles et ce qui compte,
c’est d’abord notre principal partenaire et concurrent : l’Allemagne,
pour laquelle la Commission annonce 0,7% en 2012 et 1,7% en 2013 : c’est
mieux que nous.
Certes,
nous ne sommes qu’aux portes de la récession puisque, au sens strict et
pour les statisticiens, elle n’existe que si la croissance du PIB est
négative pendant deux trimestres consécutifs. Mais les résultats
trimestriels ne sont pas glorieux. Après avoir augmenté de 0,9% au
premier trimestre 2011 (on nous disait alors qu’on allait être les
champions de la croissance), le PIB est resté stable au second trimestre
(0% de hausse), puis + 0,3% au troisième et + 0,1% au quatrième
trimestre. Les chiffres du premier trimestre 2012 annoncent à nouveau
une croissance zéro. Avec respectivement 0,1% et 0% pour les deux
derniers trimestres, la récession n’est pas loin. Surtout lorsqu’on
apprend qu’au même premier trimestre, le PIB allemand a progressé de
0,5% : l’écart franco-allemand s’accroît.
Recul des investissements et hausse du chômage
La
croissance n’est pas le seul indicateur d’une situation économique. Un
détail fourni par l’INSEE pour le premier trimestre 2012 est
inquiétant ; c’est le recul de 1,4% des investissements des entreprises.
Or, l’investissement prépare l’avenir ; c’est la base de la croissance
future des entreprises et de l’emploi. Le recul des investissements
s’accompagne de celui de la consommation, en berne (+ 0,2% seulement).
Et l’on consomme de plus en plus de produits étrangers : les
importations sont en hausse sensible (+ 0,7%), alors que les
exportations n’augmentent que de 0,3%. Cela confirme que la
compétitivité des entreprises françaises, faute d’investissements
suffisants, et sous le poids de charges et réglementations intolérables
est en déclin permanent : la croissance n’est pas pour demain.
Certains
ont prétendu que l’inflation était sous contrôle, et que la déflation
menaçait, ce qui les autorisait à justifier toutes les fantaisies en
termes de relance monétaire ou de monétarisation de la dette. Or
l’inflation est restée soutenue : 2,3% en 2011 et elle devrait être
encore de 2,1% en 2012. Non seulement le pouvoir d’achat s’en ressent,
mais l’efficacité économique aussi, car l’inflation perturbe le
mécanisme des prix relatifs en brouillant l’information dont les acteurs
économiques ont besoin.
Enfin
et non le moindre, le chômage atteint ,selon les informations de l’OCDE
du 15 mai, 10% de la population active, contre 8,2% pour l’ensemble de
l’OCDE, ainsi qu’aux Etats-Unis, et 5,6% en Allemagne. Certes, l’Espagne
en est à 24,1%, mais est-ce la référence ?
Dette publique et record des dépenses publiques
Comment
en est-on arrivé à cet état alarmant? On connaît, pour les avoir
souvent évoquées ici même, les origines de la crise mondiale. Les
Etats-Unis en ont été le foyer, avec les subprimes et la politique
monétaire laxiste. Puis, face à la crise financière de 2008, le laxisme
des politiques budgétaires des Etats s’est généralisé dans tous les
pays, car ils ont appliqué de manière pavlovienne la recette keynésienne
de la relance. Le résultat est connu : la crise des dettes souveraines
en Europe, qui menace, au-delà de la caricature grecque, presque tous
les Etats et l’euro lui-même. Maintenant s’amorce en Europe une relance
monétaire, de nature à fragiliser le système, et non pas à relancer
l’économie ; tout au contraire : le keynésianisme et l’omniprésence de
l’Etat conduisent à la récession et à l’explosion du chômage.
Pourquoi
la situation est-elle plus grave en France que chez certains de nos
partenaires ? C’est qu’avant même 2008 les gouvernements français
avaient installé un déficit durable, structurel : le dernier budget à
l’équilibre remonte à 1974. En 2012, le déficit budgétaire devrait être
encore d’au moins 4,5%, sans compter les effets des nouvelles mesures
gouvernementales. La dette publique continue à progresser et va dépasser
les 90% du PIB.
Pourtant,
il aurait été possible de redresser la situation. L’Allemagne a assaini
ses finances publiques et le déficit a quasi-disparu (1% seulement). Si
la situation française est si compromise, c’est que les réformes
nécessaires n’ont pas été faites. En revanche, certains de nos voisins
les ont réalisées à temps (réformes du marché du travail en Allemagne)
ou sont en train de les mettre en œuvre (réformes de la concurrence et
du marché du travail, comme en Italie).
L’Etat, cause de la maladie, est utilisé comme remède !
La
France est malade de l’Etat. Avec 56% du PIB nous sommes champions
d’Europe des dépenses publiques, et nous avons 10 points de plus que
l’Allemagne. Les prélèvements obligatoires ont encore augmenté et sont
parmi les plus élevés (47 % du PIB). Nous devrions donc couper dans les
dépenses publiques et les prélèvements, et couper plus que les autres.
Le programme du nouveau Président ne va pas dans ce sens.
L’Etat,
ce n’est pas seulement l’argent, c’est aussi le cadre juridique qu’il a
imposé. Les difficultés du marché du travail viennent de rigidités
crées par l’Etat : SMIC, durée du travail, CDD et CDI, représentation
syndicale.
C’est
l’Etat qui freine ou fausse la concurrence, dans les services publics
(dont le gouvernement défend les monopoles) ou dans les professions
fermées, que nous maintenons dans un combat d’arrière-garde. L’Etat,
c’est encore des entreprises publiques et des participations, directes
ou via la Caisse des dépôts, puissance financière inefficace et
incontrôlée, que le nouveau pouvoir projette de doubler d’une banque
publique des PME.
Le
précédent gouvernement n’a pas vraiment réduit le rôle de l’Etat ; le
nouveau gouvernement voit le salut dans plus d’Etat, de prélèvements,
d’impôts, de dépenses, de réglementations, d’interventions. Pour soigner
un pays malade de l’Etat, il y a mieux à faire que d’en élargir le
pouvoir. Etrange médecine, vraie sorcellerie. .A ce jeu l’écart de la
France avec les autres pays qui ont réformé et réforment ne cessera de
se creuser.
Ailleurs l’Etat recule pour laisser place à la liberté économique. Est-ce si difficile à faire ?
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