mardi 15 mai 2012
Cohabitation ?
En dépit d’une campagne très active et d’une inflexion vers les idées
« de droite », Nicolas Sarkozy a donc perdu la course à l’Elysée. Il
est inutile de s’appesantir sur le passé, mais son bilan a rendu peu
crédible ses discours, dont les derniers étaient pourtant de bonne
facture, même s’ils faisaient la part trop belle au protectionnisme.
Nous voici donc avec les socialistes à l’Elysée et au Palais du
Luxembourg. Ils sont aussi dans les syndicats, la fonction publique
(pour une bonne part), dans les médias et dans l’enseignement. Ils sont
encore à la tête des régions, des départements et des grandes villes.
Peut-on priver François Hollande d’une majorité présidentielle et
l’obliger à une cohabitation qui éviterait une France monocolore ? C’est
la question qui vient tout de suite à l’esprit, et naturellement elle a
été au cœur de toutes les discussions sur les plateaux dimanche soir :
on a beaucoup parlé des législatives des 10 et 17 juin.
Je vois beaucoup d’obstacles à une telle revanche, à un tel sursaut
de la droite. Tout d’abord même s’il n’y a pas eu la vague rose ou rouge
annoncée, les circonscriptions où la droite est assurée de l’emporter
sont rares, surtout avec l’hypothèque du Front National avec des
triangulaires en perspective. Cette hypothèque est le deuxième
obstacle : l’UMP, comme le PS, écarte toute entente avec les candidats
« bleu marine » mais l’UMP court plus de risque que le PS à ce jeu, on
l’a vu à l’occasion des dernières élections locales par exemple. Il faut
aussi compter avec les discordances de l’UMP, en dépit de l’aura de
François Coppé, qui arrivera difficilement à éviter des candidatures
dissidentes. Les retournements de vestes, déjà spectaculaires à la
veille du 6 mai, risquent de se multiplier. Enfin et non le moindre, il y
a toujours eu à ce jour une majorité présidentielle pour épauler le
Président élu. Cela s’est vu en 1981, 1988, 1995, 2002 et 2007. Il y a
eu cohabitation du temps du septennat, où les élections législatives se
situaient nécessairement pendant le mandat présidentiel : en 1986 sous
Mitterrand (Chirac premier ministre) et en 1993 (Balladur premier
ministre), et en 1997 sous Chirac (Jospin premier ministre). Il est à
noter que la cohabitation a été bien mieux gérée par Mitterrand qui a
mis Chirac puis Balladur dans sa poche, que par Chirac, qui a laissé
Jospin gouverner à sa façon, partageant même son « domaine réservé » des
relations internationales avec Lionel Jospin.
La cohabitation difficile avec le quinquennat
Tout cela fait beaucoup, et laisse mal présager d’une cohabitation
utile, et je vois mal ce qui viendrait bloquer ou seulement ralentir la
marche à la société nouvelle qui nous est promise.
Car on commente beaucoup les changements à attendre dans la politique
économique et sociale de la France, la nouvelle fiscalité, la
contre-réforme des retraites, le renforcement des syndicats,
l’emballement des déficits du budget de l’Etat et de la Sécurité
Sociale, les nouvelles réglementations du travail et du chômage : autant
de désillusions en perspective, qui se révèleront très rapidement –
après 1981 il a fallu trois ans aux Français pour comprendre où on les
menait, mais dans un contexte mondial très favorable.
De même commente-t-on l’impasse de la position de la France si le
nouveau pouvoir veut imposer une Europe de la relance et du
protectionnisme, dont ne veulent pas nos partenaires et clients, dont
les Allemands et les Anglais.
La société nouvelle qui nous est promise
Mais on oublie de prendre en compte toutes les réformes de société
qui nous attendent, et qui ne demandent ni délai ni consensus européen :
les mariages homosexuels et l’adoption des enfants qui en découle,
l’euthanasie et la nouvelle loi bioéthique, l’étouffement de
l’enseignement privé et la laïcité agressive, le laxisme pénal et
judiciaire, et l’obsession des droits des immigrés qui va jusqu’à
l’oubli total des devoirs des immigrés.
Une nouvelle offre politique
Tout cela, à mon sens, mériterait bien que l’on se mobilise pour
éviter le monopole politique de la gauche. Les législatives pourraient
faire appel du jugement du 6 mai. Mais il faudrait pour cela, au
minimum, que l’UMP ose enfin cette fameuse rupture que tant de Français
appellent de leurs vœux. Le patchwork électoral qui a été servi jusqu’à
présent, sans vision d’ensemble, sans réforme structurelle, ne peut
passer pour un programme de législature. Que l’UMP prenne position au
minimum sur le salaire complet, les retraites, la fin de la
progressivité de l’impôt, la flexibilité du contrat de travail, le
référendum d’initiative populaire, la diminution des textes et
règlements, la liberté scolaire, la protection de la vie et de la
famille.
J’ajoute cependant, pour être conforme à mes convictions et à mes
propositions, que se mobiliser dans l’immédiat pour obtenir une
cohabitation ne dispense pas de mettre en place une « nouvelle offre
politique » et organiser une composante libérale de l’opposition.
L’absence des idées de la liberté a tué le quinquennat Sarkozy et risque
maintenant de nous mener à la « dictature du prolétariat ».
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