vendredi 20 avril 2012
Monsieur le Président…
C’est fait. Vous êtes élu. Enfin presque. Mais vous le savez déjà,
c’est vous. Bientôt, vous allez vous adresser aux Français, remercier
vos électeurs, dire que vous pensez aussi aux autres et annoncer des
lendemains qui déchantent. Puis-je vous rappeler quelques notions de
base ? Elles datent de 2007 ; je les crois toujours valables
aujourd’hui.
Vous avez fait des promesses ; oubliez-les. Sauvez-en une, la moins
coûteuse, que vous tiendrez à l’économie. Comme vous n’aviez pas de
programme, on ne pourra vous accuser de ne pas le tenir. Il vous faudra
improviser. Les événements se chargeront de vous montrer la voie. Tout
est en route. Les autres pays, nos partenaires, ne vous ont pas attendu.
Tant bien que mal, vous allez monter dans le train et découvrir des
réalités que vous avez préféré fuir durant la campagne. Les chefs d’État
et les premiers ministres avec lesquels vous allez travailler vous
prendront comme vous êtes. N’essayez pas de les impressionner ; ils ont
une piètre idée de vos déclarations passées et connaissent mieux que
vous l’état de votre pays. D’une façon générale, évitez les embrassades,
les tutoiements, les prénoms. Le président des États-Unis s’appelle le
président des États-Unis, la chancelière d’Allemagne, madame Merkel. Ne
les considérez pas comme des amis, vous les mettriez dans l’embarras.
A propos des amis, vous en avez, gardez-les pour vous. Nous ne
voulons pas le savoir. Que vous donniez un coup de main ici ou là,
c’est naturel. Que ce ne soit qu’un coup de main. Même chose pour votre
famille. Vous en avez une, deux peut-être, nous en sommes heureux.
Débrouillez-vous pour qu’on n’en parle pas. Vous entrez seul à l’Élysée.
Dites-vous que la familiarité, la confidence, la confiance vous sont
interdites. Vous connaissez beaucoup de journalistes. C’est fini. Vous
tiendrez des conférences de presse, vous participerez à des émissions de
télévision, vous répondrez à des interviews, mais vous garderez la
distance qui convient. C’est votre intérêt. Méfiez-vous des visiteurs du
dimanche, ceux qui promettent le secret et publient aussi sec des
livres qui vous feront dire n’importe quoi. Il y a des spécialistes.
Ne réglez pas vos comptes. Cela ne sert à rien. Ne faites pas virer
qui vous a déplu, ne faites pas nommer qui vous plaira. Vous apprendrez à
la longue que les médias aux ordres ne vous rapportent qu’une mauvaise
réputation. Ne cherchez pas non plus à vous en bâtir une. C’est après,
quand vous aurez quitté le pouvoir, que l’on dira qui vous étiez. Si
vous aimez la choucroute, aimez la choucroute. Si vous lisez Proust,
lisez Proust. Dans les deux cas, ne vous forcez pas. Dites-vous bien que
cela se verra.
Vous allez nommer un premier ministre. Choisissez-le dans la
majorité parlementaire, travailleur, expérimenté et loyal. Abandonnez
toute idée de société civile ou d’ouverture. C’est toujours un naufrage.
Ne passez pas votre temps à parler à l’opposition. Elle s’opposera de
toute façon. Ne lui faites aucun cadeau. Elle vous les renverra dans la
figure.
En politique étrangère, souvenez-vous que la France reconnaît des
États, non des régimes. Vous allez vous apercevoir que vous êtes lié par
des traités, des engagements, mais aussi des pactes et des négociations
que le public ne connaît pas. Respectez la parole donnée si vous voulez
qu’on respecte celle qu’on vous donnera. Ne vous embarquez pas dans des
aventures romantiques pour détourner l’attention ou montrer que vous
n’êtes pas de bois. Elles sont ruineuses et se terminent par des
catastrophes pires que celles que vous avez voulu dénoncer.
Ne vous plaignez pas du poids de votre charge. Chacun sait que vous
en rêviez et que c’est passionnant. Et puis, ce n’est pas très
difficile. Il y a là-dedans beaucoup de routine et un peu d’intuition.
Aussi, ne vous faites pas trop présent. Ne sautez pas sur tout ce qui
passera. Il est inutile de manifester votre compassion à chaque fait
divers, d’avoir une opinion sur tout et d’être multicompétent. Ne croyez
pas non plus les charlatans qui vous diront de vous faire rare. Quand
la France aura besoin de vous, vous le sentirez. Pour le reste,
souhaitez-vous bonne chance.
Personne ne le fera à votre place.
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