A deux jours du premier tour, que retenir du débat économique de cette campagne ? A première vue, rien.
Comme le signale l’économiste-blogueur Stéphane Ménia,
cette campagne a été la plus indigente de mémoire d’homme en termes
d’idées, surtout économiques. Et bien sûr, c’est particulièrement
affligeant étant donné que nous sommes en période de crise économique
grave.
A y regarder de plus près, il y a bien une chose à signaler : c’est, face à la mort cérébrale des candidats de gouvernement, la cohérence des propositions économiques des extrêmes. Par cela je ne veux pas dire que les propositions économiques des extrêmes sont bonnes -dans
la plupart des cas, elles ne le sont pas -mais que au moins,
contrairement à celles des candidats de gouvernement, elles sont parfois
cohérentes, du point de vue de la science économique.
Deux exemples frappants :
- Lorsque
la crise de l’euro s’est aggravée, Jean-Luc Mélenchon a été le premier
et le seul à demander que ça soit la Banque centrale qui rachète la
dette des États, afin de calmer les marchés et d’augmenter la masse
monétaire. Solution
cohérente, à mille lieux de l’analyse complètement erronée du couple
Sarkozy-Merkel, qui prend une crise monétaire pour une crise de la
dette. Mélenchon avait raison, et il a été ridiculisé de
toutes parts. Et, indirectement par le biais de l’opération LTRO, la BCE
de Mario Draghi a suivi ses conseils et effectivement calmé la crise.
- Tout aussi ridiculisée, la volonté de Marine Le Pen de sortir de l’euro et de revenir au franc.
Pourtant, l’origine de la crise de l’euro est le fait que nous avons
une politique monétaire à taille unique pour des économies à grandes
différentes de productivité. La fin de la monnaie unique est une
solution parfaitement cohérente à ce problème. Le retour au franc est-il une solution-miracle ?
Bien sûr que non, il y a beaucoup de problèmes et de très bonnes
raisons d’être contre un retour au franc. Mais, économiquement, c’est
une réponse infiniment plus cohérente à la crise que les gesticulations
merkoziennes, qui empilent les absurdités économiques.
Comprenez-moi
bien : si les idées de M. Mélenchon ou Mme Le Pen arrivent au pouvoir,
je serais le premier à prendre un aller-simple pour un autre pays.
Dans l’ensemble, notamment sur le protectionnisme et la vénération d’un
Etat-pieuvre qui décide de tout, leurs idées économiques sont
nauséabondes.
S’il fallait noter les idées économiques des candidats, personne n’aurait la moyenne.
Mais un correcteur objectif devrait donner des points à M. Mélenchon et
Mme Le Pen pour avoir, eux au moins, avancé une poignée d’idées
cohérentes, face au néant des partis de gouvernement.
C’est évidemment très inquiétant pour notre démocratie. Dans L’Etrange défaite,
l’historien Marc Bloch remarque que 1940 aurait pu se passer autrement :
sur le papier, l’armée française était au moins aussi puissante que la
Wehrmacht. Si la France s’est effondrée, c’est à cause d’une
capitulation de nos élites, notamment politiques, pendant toute la
décennie qui a précédé la guerre. Bien sûr, nous sommes loin de
1940, et il n’y a aujourd’hui aucun Hitler qui nous menace. Mais cette
campagne a donné la preuve pour ceux qui la cherchaient encore d’une
démission des élites d’une ampleur qui ne peut qu’inquiéter les
étudiants de l’histoire.
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