TOUT EST DIT

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jeudi 12 avril 2012

“Changements de société”


A dix jours du premier tour, nous n’avons que deux ou trois certitudes : Nicolas Sarkozy affrontera François Hollande pour le duel final ; ce sera plus serré que ne le disent encore les instituts de sondage parce que la campagne du second tour commencera avec les résultats du premier. 
Et en tout cas, le succès de la gauche ne peut venir que de la dispersion des voix de la droite. La semaine dernière, Valeurs actuelles reproduisait les propos d’un sénateur de droite qui avait voté pour Nicolas Sarkozy en 2007 et se refuse à renouveler ce vote au motif que « son rapport avec l’argent et son comportement bling-bling ont dégradé la fonction présidentielle ».
Un argument qui n’est que la reprise de tout ce que la gauche bobo nous a servi pendant quatre ans pour discréditer l’action du chef de l’État. Que l’argument mis en circulation à gauche soit ainsi répété à droite montre où est l’influence sur les esprits. Or cela n’est pas sans effet : c’est par ce genre d’attitude que six à sept sièges de sénateurs ont été perdus dans des départements de droite aux dernières sénatoriales, faisant ainsi basculer la majorité de cette assemblée.
L’enjeu de cette présidentielle et des législatives qui suivront dépasse de loin les débats fratricides si fréquents à droite. François Hollande vient de rendre publiques les dispositions qu’il entend prendre, s’il était élu, pendant la « première année du changement ». Première décision : mettre fin à la révision générale des politiques publiques, qui désigne la réduction des dépenses. Il engage quelque 35 milliards d’euros de dépenses nouvelles comme si la crise de la dette était passée, comme si la Grèce, l’Espagne, le Portugal étaient sortis d’affaire.
En reprenant ainsi la course à l’impôt et à l’emprunt, Hollande risquerait bien de tomber sur un mur : celui que décrit David Victoroff. Devant les marchés, auxquels on s’adresse déjà pour faire nos fins de mois et payer nos fonctionnaires, nous risquerions un “été à la grecque” au lieu de poursuivre le redressement de nos comptes publics et celui de notre compétitivité. On voit bien, onze ans après l’entrée en vigueur de la loi sur les 35 heures de Lionel Jospin et Martine Aubry, ce qu’ont été les dégâts d’une telle législation et les difficultés que l’on a à s’en défaire.
En économie, pourtant, rien n’est définitif. Une bonne loi peut chasser les effets d’une mauvaise. Il y a des sujets en revanche où ce qui a été décidé devient irréversible. Ces sujets figurent à la fin de la liste de François Hollande. Après une loi « sur la tarification de l’eau », il indique : « droit au mariage et à l’adoption pour tous les couples » – ce qui signifie les couples homosexuels ; puis « droit de finir sa vie dans la dignité », c’est-à-dire l’euthanasie ; ensuite, « constitutionnalisation des principes de la loi de 1905 sur la laïcité » – à quelle autre fin, puisque le préambule de notre Constitution précise déjà que la France est une “République laïque”, qu’elle assure l’égalité de tous « sans distinction de sexe, de race, de religion » ? Et pour finir, « droit de vote des étrangers » aux élections locales.
Le trait commun de ces décisions est qu’elles ne coûtent rien, qu’elles ne supposent pas l’accord des autorités européennes ; elles sont de notre seul ressort, et ont déjà été votées par le Sénat. Mais ce sont là des “réformes de société”. Elles touchent à l’intimité de chacun, à ses croyances, à ses références, à ses racines, aux sentiments qui fondent une famille et une nation, à l’enseignement que l’on donne ou que l’on ne pourra plus donner aux enfants et au droit à la vie. Des sujets « très sensibles », dit (dans le Figaro du 31 mars) Mgr André Vingt-Trois, cardinal-archevêque de Paris, qui estime qu’« il est meilleur pour un enfant d’être élevé par son père et sa mère », et « plus humain d’accompagner les gens dans leur fin de vie que d’accélérer ou de décider leur fin de vie ».
Que l’on veuille faire intervenir la loi là où la liberté et la conscience devraient seules être en cause traduit bien la volonté de créer l’irréversible.
En Espagne, la gauche a fait voter des lois équivalentes ; elle a été battue par la droite après avoir laissé le pays en piètre état ; la droite s’emploie à le redresser ; mais elle ne parvient pas à revenir sur les “changements de société”. Il n’est pas indifférent d’observer que, dans son premier clip de campagne, François Hollande se place dans la filiation de la Révolution française, de Jean Jaurès, de Léon Blum et… de la Gay Pride. 

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