Après Pâques, les bourses européennes
ont toutes perdu entre 2,5 et 5 %, les taux d'emprunt de l'Italie et
l'Espagne ont fortement augmenté. L'effet des liquidités de la BCE
commence à s'estomper, et la situation de l'Espagne est préoccupante.
Après les quatre jours de la trêve
du week-end de Pâques, les bourses européennes ont toutes perdu entre
2,5 et 5 %, le CAC 40 lui-même s'est replié de 3,08 %, et n'affiche
mercredi soir qu'une timide hausse de 0,62%. Dans le même temps, les
taux d'emprunt des États les plus fragiles de la zone euro ont fortement
augmenté (Espagne et Italie).
Nombreux
sont ceux qui se sont interrogés ces dernières semaines sur la fin de la
crise. Était-elle « réglée » ? Il faut sortir de cette logique
simpliste. On ne « règle » pas une crise d’une telle ampleur.
Les pays européens font face aujourd’hui à une crise de surendettement
publique, c’est-à-dire d’inadéquation structurelle entre les dépenses
publiques et ce que leur économie est capable de délivrer en termes de
croissance et donc de recettes fiscales. On ne s’en sortira donc
durablement que lorsque des politiques de croissance auront été
instaurées et produiront leurs effets, et quand nos État (y compris la
sécurité sociale) auront été réformés pour être plus efficaces et moins
coûteux.
Dans l’intervalle, de nouveaux mécanismes de
solidarité intra-européens devront être trouvés, qui nous mèneront vers
une nécessaire et enthousiasmante Europe Fédérale. Vu sous cet angle, on
comprend que le redressement sera long et chaotique. D’ailleurs, la
crise espagnole vient se rappeler au souvenir des étourdis ou des
optimistes niais : ses principaux indices boursiers ont plongé et ses
taux d'intérêt à long terme (10 ans) se sont approchés de la barre
symbolique des 6%. Voilà un pays dont les finances publiques n’ont pas
été spécialement mal gérées ces dernières années, mais qui souffre d’une
absence de « croissance économique potentielle ». Entendez : après la
crise du secteur de la construction, on ne voit pas ce qui pourrait
soutenir l’activité et l’emploi dans le pays.
L’effet de
ciseau mécanique entre des recettes fiscales en baisse et des dépenses
sociales (l’indemnisation des chômeurs notamment) en hausse pose la
question de la liquidité, et éventuellement celle de la solvabilité de
l’État. Problème : en l’absence d’une politique monétaire
nationale qui permettrait de monétiser une partie de la dette (ce que
font États-Unis et surtout Royaume-Uni), et de dévaluer le taux de
change, et sans transferts financiers massifs vers ce pays, rien ne peut
faire repartir la croissance à court terme. C’est même pire : le
gouvernement espagnol n’a d’autre choix que de couper à la serpe dans
les dépenses pour éviter une flambée de ses taux d’emprunts, n’ayant
plus le temps d’entreprendre des réformes de fond. In fine, les effets
keynésiens jouent à la baisse : l’activité baisse encore plus et le
chômage n’en finit plus de monter. Voilà l’équation extrêmement complexe
qui éclate le corps social espagnol et qui rend les marchés si
fébriles.
Certes, la Banque centrale européenne a formidablement fait le job ces dernières semaines.
Elle a massivement prêté aux banques, lesquelles ont partiellement
redirigé ces liquidités vers les États. Son diagnostic est évidemment le
bon : l’Europe reste en sur-capacités de production, ce qui se traduit
notamment par un chômage de masse conjoncturel (qui vient, dans certains
pays comme la France, s’ajouter au chômage structurel) et un
investissement réduit au strict minimum du renouvellement du capital.
Ces surcapacités tirent les salaires et les prix industriels vers le bas
et empêchent l’inflation de se développer, en dépit de marchés de
matières premières tendus. Conserver une politique monétaire
encore expansionniste pour soulager banques et États (et donc au bout du
compte le secteur privé) un bon moment n’est donc pas absurde, mais
cela sous-entend qu’il faudra de nouveau que la BCE prête aux banques.
Cette politique pose deux questions : d’une part, les
banques, même liquides, n’en sélectionnent pas moins les risques :
elles prêtent à l’Italie dont le gouvernement a entrepris d’imposantes
et pertinentes réformes, à la France qui, pour l’heure (mais jusqu’à
quand ?) inspire encore confiance, mais pas à l’Espagne qui en aurait
pourtant bien besoin. D’autre part, ces liquidités devront faire un jour
le chemin inverse, des banques vers la BCE. Et en vérité, nul
ne maîtrise vraiment l’impact de ce débranchement de perfusions sur
l’économie malade de la zone euro et sur les États les plus fragiles.
La politique monétaire s’apparente à une prise de cortisone : elle
soulage le patient, elle lui permet éventuellement de gagner du temps,
mais elle ne le soigne jamais.
De ces sujets, personne ne parle sérieusement pendant cette campagne électorale terriblement franco-française.
Le fédéralisme européen, la relance de la croissance, la solidarité
envers l’Espagne, la réforme de l’Etat-providence sont visiblement des
sujets secondaires. Mais qui risquent de revenir en force après les
élections. Et là, bonjour la gueule de bois pour une opinion publique
que l’on n’aura pas préparée.
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