jeudi 16 février 2012
Premier tour
Avant le second tour, il y a le premier. Ce n’est pas évident pour tout le monde. Certains font déjà une campagne de second tour, comme s’ils étaient sûrs d’être qualifiés pour le combat final, en prononçant des discours sur le “rassemblement des Français” qui ne sont qu’un habillage trompeur.
Nicolas Sarkozy, lui, est entré en campagne pour le premier tour – « je rassemble mes propres forces », avant de vouloir diviser celles de l’adversaire. On est élu sur son programme, pas sur deux à la fois.
Devant les épreuves de la crise que nous rappellent les chiffres du chômage et les émeutes d’Athènes, des voix s’élèvent à droite – ce réflexe n’existe pas à gauche – pour plaider en faveur de l’“union nationale” : on ne peut s’en sortir qu’en se retroussant les manches tous ensemble. Certes, nous ne nous en sortirons que par le travail et l’intelligence – mais sous l’autorité de qui ? Les candidats (Bayrou, Villepin) qui font miroiter l’idée de l’“union nationale” sont des chefs sans troupes. Le gros des forces se tient dans un camp ou dans l’autre. Dans une présidentielle qui se termine par un duel, les appels au consensus, au compromis, à l’union, à l’accord secret, etc., ne sont que des leurres.
Même Jacques Chirac, réélu en mai 2002 avec 82 % des voix contre Jean-Marie Le Pen, ne s’y était pas prêté, bien que la tentation en fût forte, puisque la majorité de la droite et la gauche s’étaient portées sur lui. Gouvernement d’union nationale ? Il semble le regretter dans ses mémoires (le Temps présidentiel, Robert Laffont), mais il fournit les raisons pour lesquelles il ne s’y était pas résolu. D’abord, parce qu’il sortait d’une cohabitation avec Lionel Jospin et qu’il estimait nécessaire d’avoir « plus de clarté et d’efficacité dans l’action gouvernementale ». Ensuite, parce qu’un « nouveau compromis politique entre des dirigeants d’opinions divergentes sur la plupart des grands sujets eût probablement abouti à ces mêmes impasses que les résultats du 21 avril [le premier tour] avaient, d’une certaine manière, sanctionnées ». Il y avait enfin un motif supplémentaire : « Celui de faire durablement apparaître le Front national comme la seule force d’alternance face à une coalition de partis traditionnels que plus rien ou presque ne distinguerait aux yeux de l’opinion. » Et qui aurait vu Jospin aussitôt rallier Chirac ?
Il y a pourtant les Allemands, nous objectera-t-on. Ceux-ci ont en effet montré que de “grandes coalitions” entre socialistes et chrétiens-démocrates étaient capables de gouverner. Mais la constitution de ces coalitions donne lieu à d’intenses et longues négociations pour l’établissement d’un cahier des charges commun. Pourquoi ne serait-ce pas possible en France ? Parce que le Parti socialiste et nos grands syndicats n’ont toujours pas renoncé au principe même de la lutte des classes. Que peut-on trouver dans le programme de François Hollande qui soit compatible avec celui de Nicolas Sarkozy ? Même d’accord sur le diagnostic de la crise et la nécessité de conserver l’euro, matrice de l’économie européenne, ils divergent sur tout : sur les effectifs de fonctionnaires et la réduction des dépenses publiques, le niveau des impôts et la politique familiale, les retraites, la protection sociale et l’indemnisation des chômeurs. Mais pas seulement. Ils s’opposent aussi sur l’essentiel : sur notre identité, la politique d’immigration, la légalisation du mariage homosexuel, de l’euthanasie, du cannabis, du vote des étrangers non européens aux élections locales, etc. Il n’y a de compromis possible que lorsque l’on est d’accord pour ne rien faire.
On ne va pas à la bataille en suggérant à l’adversaire qu’à l’issue du combat on fera comme s’il n’avait pas eu lieu. La droite ne doit pas se nourrir d’illusions. Si François Hollande gagne, il entraînera ses troupes à la victoire aux élections législatives – de telle sorte que tous les pouvoirs soient désormais réunis entre des mains socialistes : majorité des exécutifs municipaux et régionaux, Sénat, Assemblée nationale, gouvernement et présidence de la République. Quelle revanche ! Qui viendra parler d’union nationale aux socialistes ? Ils ne sont pas partageux. Et l’on se rappelle comment fut accueillie l’“ouverture” pratiquée par Nicolas Sarkozy au lendemain de sa victoire de 2007. François Bayrou ne fut pas le dernier à s’en moquer. Cette politique aura pourtant eu une vertu, celle d’en montrer la vanité. Dans le triptyque des valeurs de Nicolas Sarkozy, travail, autorité, responsabilité, les deux dernières ne se partagent pas.
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