jeudi 1 décembre 2011
L'Europe à reculons
Il n'est pas besoin d'être un grand clerc de la finance pour mesurer, et donc redouter, la confusion qui règne chez les leaders européens face à la crise de la zone euro. Rarement, les signaux envoyés aux opinions publiques auront été aussi contradictoires. D'un côté, on mesure, chaque jour, la tentation du réflexe national que la crise peut induire ; de l'autre, on entend parler d'une solution fédérale que même les militants les plus fervents de la cause européenne n'osaient plus imaginer. On serait, ainsi, à la veille d'un changement radical. Dans un sens, ou dans l'autre.
La confiance ne régnant plus, l'anxiété est reine. Le yoyo des marchés l'alimente à merveille. Entre les expertises sinistres des économistes et la cacophonie des politiques, le citoyen européen se réveille chaque matin avec le sentiment de devoir assister à un enterrement de première classe : celui de l'euro, et avec lui, de l'Europe. Le monde de la finance aurait, paraît-il, déjà sorti son costume sombre. Au cas où.
C'est au nom de ce risque d'éclatement, de « désintégration », comme le disait hier encore un commissaire européen, que la mobilisation est invoquée. Au nom d'une idée bien établie - l'Europe s'est forgée dans les crises - et d'un constat généralisé - la crise est profonde et peut être fatale - le fameux grand saut pour une plus grande intégration économique est le seul recours.
Ce saut, Paris l'appelle, depuis un moment déjà, un gouvernement économique. Berlin préfère parler d'une union fiscale. Un même constat de départ les unit : un étage manquait à la construction de l'union monétaire, il faut y remédier. Mais, derrière le mot intégration, les recettes divergent de part et d'autre du Rhin. La Chancelière veut modifier, même légèrement, les traités pour rendre incontournable, sous peine de sanctions automatiques, la discipline budgétaire. Nicolas Sarkozy plaide pour une intervention à l'américaine de la Banque centrale européenne, afin d'éteindre l'incendie.
La méthode, on le voit, n'est pas la même. Le calendrier non plus. Angela Merkel escompte un effet calmant d'un changement pourtant aventureux des traités ; le président français - comme d'autres en Europe - estime que seul un instrument de court terme, comme la BCE, peut calmer les marchés. Le temps presse, il est vrai, et ce critère peut peser très lourd.
Le débat doctrinal est légitime. On peut aisément comprendre les refus allemands de faire marcher la planche à billets, et pas seulement dans le souvenir de Weimar. Et tout aussi aisément l'insistance de Paris sur la nécessaire vitesse d'exécution. Ce que l'opinion comprend moins facilement, c'est la curieuse alternative entre l'officier des pompes funèbres et l'inspecteur fiscal. Entre la mort de l'euro et la rigueur punitive.
Il n'est pas irréaliste de penser que, sans un soutien à la croissance, le remède pourrait être aussi fatal que le mal. En outre, au-delà de la conjoncture de court terme, le choix d'une plus grande intégration comporte la délégation d'une part de souveraineté et exige une vision d'ensemble. Sujet sensible, compte tenu des référendums du passé et de la poussée populiste du moment.
Nicolas Sarkozy ce soir à Toulon, et Angela Merkel demain devant le Bundestag, vont devoir expliquer, à la veille d'un sommet européen crucial, s'ils veulent plus d'Europe comme on saute dans un canot de sauvetage, ou au nom d'un vrai projet.
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