TOUT EST DIT

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jeudi 1 décembre 2011

Évolution des libertés - des journaux clandestins aux révolutions via l'Internet

Par Jerzy Buzek, président du Parlement européen et ancien membre de Solidarnosc en Pologne.

Neuf jours après la chute du dictateur libyen, alors que je me promenais dans les rues de Tripoli, un homme d'âge moyen m'aborde et me dit: "Mon ami - nous avons besoin que vous nous aidiez, nous sommes disposés à accepter votre aide".

J'ai été ému et impressionné par son regard empli d'espoir et d'enthousiasme. Il a réveillé en moi de puissants souvenirs de mon propre pays, la Pologne, il y a de cela 22 ans, lorsque nous nous battions également pour notre liberté.
Cette rencontre m'a également conforté dans mon opinion fondamentale que nous voulons tous la même chose, que nous venions de Libye, de Pologne ou de toute autre région du monde. Partout dans le monde, les peuples veulent vivre en démocratie, être capables de prendre la destinée de leur pays en main et d'assurer un avenir stable à leurs enfants.
Au sein de l'Union européenne, nous considérons la liberté comme un droit naturel, un dû. D'autres populations, souvent proches de nous, en ont été privées.
Au cours de ma visite en Libye, je n'ai eu de cesse de songer aux souffrances du plus ancien prisonnier d'opinion, Ahmed al-Sanusi. Il a passé plus de 30 ans dans les geôles libyennes, payant le prix fort pour avoir tenté de renverser le régime Kadhafi.
J'ai éprouvé un sentiment d'humilité et d'honneur en pensant à ce que cet homme courageux a enduré au nom de ses convictions. J'ai également songé avec fierté que le Parlement européen venait de reconnaître son sacrifice personnel en lui décernant le Prix Sakharov 2011 pour la liberté de l'esprit. Il partage le Prix de cette année avec quatre autres lauréats militants du Printemps arabe qui symbolisent tous le courage, la lutte et le sacrifice de ceux qui se battent pour défendre la dignité et la liberté, ainsi qu'un gouvernement responsable et réactif.
Ce Prix, baptisé ainsi en mémoire du célèbre dissident politique soviétique Andreï Sakharov, est décerné par le Parlement européen chaque année depuis 1988 à des personnalités ou à des organisations qui ont contribué de façon décisive à la défense des droits de l'homme ou de la démocratie. C'est la meilleure contribution et le meilleur soutien que nous puissions apporter à leur lutte héroïque.

Le Prix Sakharov a une Égyptienne et à une Syrienne

Le Parlement européen estime que les droits fondamentaux incluent non seulement le droit à la vie et à l'intégrité physique, mais aussi la liberté d'expression et celle de la presse. Ces deux dernières libertés sont des critères essentiels pour mesurer le degré d'ouverture et de démocratie d'une société.
En Pologne, il y a de cela 30 ans, nous publiions des journaux clandestins du fond de caves noires et froides. Ils étaient distribués à nos concitoyens par des personnes prenant de grands risques dans l'espoir d'une vie plus digne. Nous avions également réussi à créer des réseaux d'information avec d'autres dissidents de la Tchécoslovaquie, la Lituanie, la Lettonie et la Hongrie communistes.
Vu d'ici, nos activités clandestines tenaient du film d'espionnage. Pour bien des gens, cependant, notre passé n'a rien d'une fiction. C'est leur réalité actuelle.
Parmi ces personnes courageuses figurent les lauréats du Prix Sakharov de cette année, par exemple Mme Mahfouz, égyptienne, et Mme Zeitouneh, syrienne. Elles ont contribué à organiser des grèves en faveur des droits fondamentaux en publiant leurs protestations sur des blogs et sur Youtube, Facebook et Twitter.
Ces messages ont incité les Égyptiens à faire valoir leurs droits sur la place Tahrir. En Syrie, le blog de Mme Zeitouneh révèle les atrocités qui se produisent actuellement dans son pays. Ses messages sont devenus une source d'information importante pour les médias internationaux.

Nous aspirons tous aux mêmes libertés

C'est une leçon à retenir. Les femmes sont, depuis le début, aux côtés des hommes dans ces révolutions. Après avoir été longtemps victimes de discriminations, elles ont fait preuve d'un même courage, d'une grande fierté et transformé les étincelles des révolutions de leurs pays en flammes de liberté.
Que ce soit dans l'ancienne Europe communiste ou dans le récent Printemps arabe, nous aspirons tous aux mêmes libertés. La seule différence réside dans la manière d'y parvenir.
Le Printemps arabe nous a clairement montré qu'un changement fondamental s'était produit dans la manière de lutter pour la liberté. La presse écrite clandestine a été remplacée par l'Internet et les médias sociaux.
Nous sommes à un moment capital marqué par de nouvelles "révolutions internet" où les personnes établissent des relations et des réseaux en ligne et s'unissent en partageant leurs expériences et objectifs communs au travers des nouvelles technologies.
 Nous ne devrions pas laisser passer ces événements sans en tirer les bons enseignements.

La solidarité doit toujours l'emporter

Le Parlement européen organise aujourd'hui à Bruxelles une conférence Sakharov de haut niveau sur les droits de l'homme afin de fournir une plateforme de haut niveau très visible pour mettre en avant les droits de l'homme ainsi que le rôle de l'Union européenne dans leur promotion et leur défense.
Cette conférence vient à point nommé pour examiner le rôle puissant des nouvelles technologies dans la lutte pour les droits de l'homme. De plus, elle constitue également l'occasion idéale d'examiner les problèmes de droits de l'homme dans les pays en transition, en particulier au regard des évolutions internationales actuelles telles que le Printemps arabe.
 Elle réunit des lauréats du Prix Sakharov, des personnalités publiques de renommée internationale, des militants et des défenseurs des droits de l'homme, des ONG et des députés au Parlement européen.
 Les questions relatives aux droits de l'homme figurent toujours au premier rang des priorités du Parlement. En tant que seule institution européenne démocratiquement élue, le Parlement européen s'efforce de garantir que les droits et les libertés sont défendus et promus au sein de l'Union européenne et au-delà.
Nous voulons que les personnes engagées dans la lutte pour les droits de l'homme à travers le monde voient dans Bruxelles non seulement la capitale de l'Union, mais aussi une plateforme des droits de l'homme
C'est pourquoi nous souhaiterions aller au-delà d'une seule conférence et renforcer notre propre réseau: le réseau du Prix Sakharov. Je sais, de par l'expérience de mon propre pays, à quel point il peut être difficile de rétablir des procédures et des institutions démocratiques en partant de rien. Je sais également qu'il importe de créer des réseaux de personnes dont l'expérience et le soutien peuvent être utiles. Je sais que la solidarité doit toujours l'emporter.
Pour en revenir à l'homme rencontré à Tripoli, je peux lui dire la chose suivante: l'Union européenne est à vos côtés et aux côtés des peuples du monde entier en quête de liberté. Les droits de l'homme et leur défense figurent au premier rang de nos préoccupations et de nos devoirs. Vous avez également un devoir: favoriser le développement de la Libye libre avec l'aide de vos propres réseaux nationaux établis par la société civile, les organisations non gouvernementales, les intellectuels, les organisations de femmes et les médias pluralistes.
 Je puis vous assurer mon ami que le Parlement européen ne fera jamais la moindre concession lorsque les droits de l'homme sont menacés. Nous sommes à vos côtés. Toujours.

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