Alors que la zone euro n'exclut plus un défaut partiel de la Grèce concernant le paiement de sa dette, Didier Salavert, vice-président du parti Alternative libérale, met les pieds dans le plat : ce serait la meilleure option pour sortir de la crise.
La crise grecque et sa gestion au niveau européen laissent augurer d’une catastrophe politique. L’éclatement violent de la construction européenne patiemment réalisée depuis le Traité de Rome est très possible, car cette crise est celle de l’Europe avant d’être celle de la Grèce.
Il faut avoir le courage d’affronter cette évidence au lieu de se perdre dans des montages financiers qui ne règleront en rien le fond du problème.
Cette crise financière est aussi susceptible de dégénérer en crise morale car le ressentiment d’une partie de l’Europe contre l’autre est en train de monter. Toutes les discussions en cours au niveau européen démontrent que, désemparés face à cette situation, nos gouvernants entraînent l’Europe dans une fuite en avant dramatique.
Il est urgent qu’ils se ressaisissent en se rappelant que l’Europe est aussi une construction démocratique. Il faut respecter la souveraineté nationale de la Grèce, sous peine de l’humilier. Et on sait trop où vont les peuples humiliés.
De la liberté pour les peuples d’Europe de choisir leur pacte social
Les pères fondateurs de la Communauté européenne avaient pour objectif la paix et la réconciliation entre les pays de la Vieille Europe. Ils ont réussi au-delà de toute espérance. Puis leurs successeurs ont fait miroiter aux Européens une convergence vers le haut de leurs niveaux de vie par la seule harmonisation des législations nationales et des aides structurelles européennes.
Entretenus dans cette illusion technocratique, des pays comme la Grèce ont pu dépenser sans compter, créer une richesse à crédit et vivre au dépend de leurs voisins pendant de nombreuses années. La vérité est que le niveau de vie d’un pays ne se décrète pas, mais dépend de la productivité, du travail et de l’épargne de ses citoyens mis au service d’un projet de société.
L’erreur de tous les plans de "sauvetage" de la Grèce à ce jour est de vouloir contraindre les citoyens grecs vivre comme les Européens du nord. Cette erreur relève de l’obstination technocratique. Tout peuple a le droit de vivre comme il l’entend. Les arbitrages entre travail et loisirs, secteur public et privé, solidarité publique et familiale etc. constituent le socle du contrat social relevant de la seule souveraineté du peuple. Entrer dans l’Union européenne ne saurait obliger à abandonner son pacte de société. Harmonisation des normes ne signifie pas lissage des esprits.
Sous peine d’être rejetée par les citoyens, la construction européenne doit laisser aux peuples la constituant la liberté de vivre comme ils le souhaitent sous la simple réserve de respecter quelques grandes valeurs fondamentales et de ne pas être débiteurs de leurs voisins.
C’est la définition d’une Europe fédérale. Ainsi pensée, l’Europe peut trouver une voie de sortie de crise qui assure sa pérennité.
Sortir de la crise, ce n’est pas contraindre la Grèce à rembourser la totalité de sa dette, même rééchelonnée. Ce n’est pas non plus contraindre les Grecs à faire de leur nation une "petite Allemagne". Le modèle allemand est tout à fait respectable mais ce n’est tout simplement pas le modèle de société choisi par le peuple grec.
Sortir de la crise, c’est permettre aux Grecs de rembourser un montant raisonnable de leurs dettes, de reconstruire une économie pérenne et respectueuse de leur culture tout en gardant leur attachement l’Union Européenne. Pour ce faire, il faut d’une part autoriser le défaut de paiement de la Grèce et d’autre part la mettre à l’abri temporairement de la concurrence mondiale.
Interdire à la Grèce le défaut de paiement, c’est l’obliger à mettre en œuvre de manière violente un vaste plan de privatisations et une politique d’austérité stricte. Ces cessions signifieront que des pans entiers de l’économie grecque - dont des services publics de première nécessité - vont passer sous contrôle étranger.
Le retour à l’équilibre budgétaire exigera quant à lui une diminution drastique des dépenses publiques. Cet exercice entraînera une grave récession dans le pays. La Grèce va perdre une partie de sa souveraineté en même temps que des millions de Grecs vont connaître la pauvreté. A cette dernière va s’ajouter le sentiment d’humiliation d’un peuple entier.
Autoriser le défaut de paiement, c’est donner un ballon d’oxygène au pays pour permettre une reconstruction nationale dans un délai supportable par le peuple grec.
Rétablir temporairement des frontières douanières en Grèce
Pour autant, l’Etat grec doit dégager des ressources supplémentaires pour équilibrer son budget et son économie doit redevenir compétitive. Le rétablissement temporaire des barrières douanières permettrait d’atteindre ce double objectif.
Les droits de douane perçus (il faudrait viser plus de 10 milliard d’euros par an - soient des droits de douane de l’ordre de 20%) constitueraient des rentrées fiscales importantes contribuant à la réduction du déficit budgétaire, au remboursement de la dette laissée à la charge du pays et à des mesures de modernisation de l’économie. La consommation grecque se réorienterait vers les produits nationaux. Ces taxes à l’importation auraient le même effet qu’une dévaluation sans avoir à sortir de l’euro, mesure technique difficile à ce jour.
Le rétablissement de barrières douanières en Grèce ne serait d’aucun effet réel s’il n’était pas assorti de mesures de redressement national. Il ne s’agit pas d’une mesure de facilité. Permettre à la Grèce de rétablir ses frontières douanières pendant une durée déterminée, sans sortir de l’Union européenne, devrait donc être assorti d’une exigence de saine gestion de son budget et de mesures structurelles indispensables. Toutefois, procéder ainsi éviterait un traumatisme national. Il est même vraisemblable que les créanciers s’y retrouveraient mieux qu’avec un diktat rejeté par le peuple grec.
Quant aux prêts envisagés aujourd’hui par l’Europe en faveur de la Grèce, ils pourraient être très inférieurs aux montants avancés et ciblés sur la réorganisation de l’Etat grec.
Faux arguments et déni de démocratie
Pourquoi les médias relayant les autorités et les chefs d’Etat européens nous assènent-ils donc que le défaut de paiement de la Grèce serait la pire des solutions ? Analyser cette posture et répondre à cette question est de la plus grande importance politique.
Le premier argument pour s’opposer au défaut de paiement serait une réaction systémique sur le système bancaire. Rien n’est moins sûr. La comparaison avec la chute de Lehman Brothers ne semble pas pertinente. En effet, le marché interbancaire s’est "évaporé" en 2007 non à raison de la faillite elle-même de cet établissement financier, mais parce que personne ne savait où se trouvaient les risques d’insolvabilité dans le système bancaire. L’affaire grecque est très différente car les porteurs de la dette sont parfaitement identifiés et en tout état de cause les sommes en jeu - bien que considérables - absorbables par les prêteurs.
Le second argument serait que les marchés risquent de s’attaquer à d’autres pays européens si le défaut de paiement de la Grèce est constaté. Cet argument est irrecevable sachant que les marchés ont déjà intégré le risque de défaut de paiement de ces pays.
Le troisième argument est celui d’une fin de l’euro, le défaut de paiement de la Grèce entraînant sa sortie de l’euro.
Cette logique agitée comme un épouvantail ne repose sur aucune obligation légale. La meilleure preuve en est qu’aucune disposition des Traités européens n’oblige les Etats signataires à se porter au secours d’un membre défaillant ou à être garant de ses dettes.
Pourquoi alors refuser à la Grèce le défaut de paiement ? Plusieurs hypothèses sont possibles.
La première est que les décideurs européens sont manipulés par les grands créanciers privés. La gestion de la crise de 2007 montre que cette hypothèse n’a rien d’impossible.
La deuxième hypothèse est qu’un sauvetage institutionnel a pour corollaire la mise en place de nouvelles structures politiques et bureaucratiques au plus grand bénéfice de la technostructure.
La troisième hypothèse est qu’un défaut de paiement mettrait immédiatement les responsables politiques devant la seule question qu’ils veulent éviter de voir posée par les citoyens européens, à savoir la construction européenne en sa forme actuelle est-elle viable à long terme ?
Quelle que soit l’hypothèse retenue, nos gouvernants font fausse route. La crise devrait permettre de faire un point d’étape sur la construction européenne. Les gouvernants ont confisqué le débat public pour la ratification du Traité de Lisbonne.
Écartez un problème de fond et il revient violemment à vous. L’une des valeurs fondamentales de l’Europe est la démocratie, à savoir le droit imprescriptible au débat et à la liberté du peuple souverain. Il faut la respecter pour que vive l’Europe.
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