mardi 7 juin 2011
Le ring new-yorkais
Deux mots et pas de commentaires. « Non coupable. » « Not guilty. » Dominique Strauss-Kahn a rejeté hier - c'était prévu - les accusations de crimes sexuels portées contre lui par une femme de chambre dont, officiellement, le procureur n'a toujours pas révélé l'identité.;
Désormais, les dés judiciaires sont lancés. L'ancien patron du FMI a choisi la longue marche vers un procès afin de laver, dit-il, son honneur. À moins qu'en cours de route il ne se ravise et plaide la moins grave des culpabilités possibles. Aux États-Unis, on peut à tout moment négocier une peine raisonnable.
Hier, cette audience brève, mais surmédiatisée, fut un parfait non-événement. Aucune information nouvelle, sinon la date d'un prochain rendez-vous au tribunal. Mais dans une telle affaire, tout fait événement. Tout est matière à récit car, à l'image des séries télévisées et des meilleurs thrillers, le feuilleton doit être nourri et relancé en permanence.
On n'en a donc pas fini avec l'affaire DSK, ses faux scoops, ses véritables désinformations. Dans ce combat sans merci, s'affrontent non pas un présumé coupable et une présumée victime, vérités contre vérités, mais un procureur agissant au nom de l'État de New York et un avocat agissant, chèrement, au nom de son client. Cyrus Vance Jr contre Benjamin Brafman. Un éminent procureur démocrate contre une star du barreau new-yorkais.
L'enceinte de justice est en réalité un ring. Car elle est tout de même étrange, cette justice américaine. D'entrée, elle livre un accusé hagard, épuisé, menotté, au pilori médiatique. Elle « séquestre » la victime, cachée sous un drap blanc. Elle contraint les deux au silence. Et elle suscite alors un gigantesque café du commerce via les réseaux interconnectés, des forums où l'on déblatère sur des faits et gestes qui restent dissimulés. Secret défense pour l'un. Mise au secret pour l'autre.
Effets collatéraux en France. Les médias bruissent de rumeurs. Des corbeaux surgissent sur des plateaux télévisés. Tout et n'importe quoi se déverse dans la corne d'abondance d'émissions dopées à l'audience. Tout est glauque dans ce spectacle organisé pour et par les caméras. Dans ces conditions, la justice peut-elle s'exercer malgré tout et, finalement, sereinement ? C'est ce dont les juristes américains veulent nous persuader. Nous aurions tort de nous en tenir à nos premières impressions. Certes, disent-ils, cette justice est dans un premier temps sans merci, mais la balance se rétablit ensuite en faveur de la défense.
Et que fait-on de la vérité ? Cette machine judiciaire américaine, hypermédiatisée, broie en réalité et l'accusé et la victime. Égalité pour tous en effet. Mais seuls les riches, les puissants, peuvent espérer y survivre. La justice française, certes, broie elle aussi des vies et des réputations. Elle peut être aveugle et impitoyable. Elle couve parfois la rumeur - la terrible affaire Alègre à Toulouse. Elle jette en prison des innocents - l'affaire d'Outreau. Mais la comparaison s'arrête là. Elle semble malgré tout beaucoup plus respectueuse de la dignité des personnes et de la présomption de véracité des faits.
Dans les allées du pouvoir, on a longtemps été inspiré par le système accusatoire. Apparition du plaider-coupable. Place aux caméras dans les tribunaux. Mort annoncée du juge d'instruction. Aux procureurs, tous les pouvoirs ! Parions que l'affaire DSK va désormais modérer ces ardeurs pro-américaines.
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