lundi 27 septembre 2010
Le chagrin et l'appétit
Il faut toujours se méfier des hommes politiques quand ils se mettent à parler vrai. C'est à ce moment-là qu'ils sont le plus dangereux. Quand ils fendent l'armure et baissent la garde... Enfin, ils sont eux-mêmes. Il y avait cet inévitable mélange contradictoire de soulagement - le combat est bientôt fini - de mélancolie - l'exercice du pouvoir est attachant - et de légèreté - celle de la liberté retrouvée - dans la confession de François Fillon hier sur France 2.
A l'heure du rôti du dimanche, le Premier ministre n'a pas hésité à mettre les pieds dans le plat. Mais avec la manière. Ce garçon est trop bien élevé pour se laisser aller à une amertume tonitruante. Avec la délicate cruauté de la bourgeoisie de province, il a juste pourri l'ambiance familiale avec quelques petites remarques lâchées comme ça, au détour d'une réflexion. Très chic.
Bah, ce n'était certes pas l'assassinat politique du siècle. On le savait bien, et depuis longtemps, que Nicolas Sarkozy n'était pas son mentor, et que son « alliance » avec le candidat de 2007 était le fruit d'une stratégie lucide plus que d'un coup de foudre sentimental. Seulement, on ne s'attendait pas à ce qu'il le rappelle maintenant, et aussi clairement, après avoir fait preuve, en toutes circonstances, d'une loyauté sans faille à l'égard du président de la République. L'orgueil ne meurt donc jamais ?
Plus significatif, François Fillon a spectaculairement réhabilité la fonction de chef de gouvernement, cette « tour de contrôle » de Matignon dont il avait théorisé l'effacement, pourtant, dans le paysage institutionnel, et qui a révélé son envol. Une fois de plus, la très plastique Veme République a réussi à inventer une nouvelle pratique de ses principes. C'est un Premier ministre « retourné », pleinement convaincu, désormais, de l'importance de son rôle, qui quittera ses fonctions dans quelques semaines si le président décide, comme cela semble probable, de le remplacer.
Il faut entendre une critique - ou au moins un doute - sur l'extrême présidentialisation du régime. A mots couverts, on a compris que l'omniprésente tutelle de l'Élysée pouvait contrarier l'art de gouverner rationnellement l'État dans ce pays de 64 millions d'habitants. Sur ce point, les témoignages de prédécesseurs de M. Fillon concordaient dans une réserve élégante présentée poliment dans un onctueux emballage.
On a décelé l'appétit du Premier ministre mais aussi une pointe de chagrin à l'idée de tourner la page. De déception aussi ? Le remaniement avec préavis bloque manifestement les effusions de ses ministres. Aucun d'entre eux n'ose dire qu'en l'état, Fillon est irremplaçable pour son camp. C'est la presse, pas toujours tendre avec lui, pourtant, mais convaincue de son envergure, qui l'écrit.
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