TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mercredi 31 mars 2010

Egalité des chances, égalité des places

Le sentiment d'injustice est de retour ,

avec une virulence qui rappelle les années 70 ou encore la campagne présidentielle de 1995. C'est évidemment la crise importée des Etats-Unis et de Grande-Bretagne qui en est à l'origine, avec son cortège de souffrances : chômage, précarité, niveau de vie - et avec sa traduction politique déjà bien visible dès le premier tour des élections régionales. La question sociale va donc de nouveau s'imposer impérieusement dans le débat français. Elle le fait cependant en des termes différents de ceux qui se posaient il y a une génération. D'où l'intérêt particulier, à la fois intellectuel, social et politique, du petit livre que publie le sociologue François Dubet sous le titre « Les places et les chances » (1). Prenant le contrepied des idées à la mode, ilpart en effet en guerre contre l'idéologie dominante de l'égalité des chances pour prôner au contraire ce qu'il appelle l'égalité des places. Face au modèle social-libéral, il plaide en somme pour un modèle social-démocrate rénové. Sa thèse est stimulante et dérangeante plus que convaincante.

Son point fort est de démontrer de façon lumineuse les limites pratiques de l'égalité des chances. Il est vrai qu'effectivement depuis une dizaine d'années elle marque le pas dans notre pays. Si François Dubet reconnaît les efforts déployés pour lutter contre les discriminations de toute sorte envers les minorités, il n'a pas de mal à prouver que le système scolaire échoue à promouvoir l'ascension sociale. Il admet certes que des trajectoires individuelles peuvent réussir, que des symboles positifs existent, mais il établit clairement que, globalement, le système scolaire reproduit le système social sans le modifier. La méritocratie républicaine s'enlise, les grandes écoles se sont socialement refermées, l'accès aux diplômes supérieurs n'a pas permis de promotions significatives des enfants d'ouvriers, a fortiori d'immigrés.

Il préconise donc l'égalité des places,

c'est-à-dire la réduction des inégalités entre les classes ou les couches sociales. Il reconnaît d'ailleurs que ce n'est pas une tâche facile : la gauche s'attache plus à défendre les positions acquises des salariés les mieux intégrés que celles des plus précaires ou des plus vulnérables. Il prend modèle sur le système scandinave pour proposer davantage d'égalité collective plutôt que des prouesses individuelles. Il sous-estime au passage ce qui est fait en France (RSA, boursiers, aides individuelles aux élèves en difficulté). C'est cependant sa recette principale - alourdissement de la fiscalité sur les revenus et sur les patrimoines - qui apparaît bien vétuste pour une tentative de modernisation audacieuse : les dépenses publiques représentent déjà 55 % du PNB et c'est plutôt leur utilisation que leur masse qu'il faudrait rénover.

0 commentaires: