TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mercredi 31 mars 2010

Un si subtil compromis...


Tout le monde est « contre » la « burqa ». Tout le monde. Ou presque. Bien sûr que c'est une prison de coton. Un symbole d'aliénation des femmes. Une forme de méfiance à l'égard de l'autre. Un rejet brut, même. Un défi manifeste, sûrement, lancé à notre vivre ensemble républicain. Et pour bon nombre de musulmans, le détournement des principes de leur propre religion. Bien sûr, bien sûr. A quoi bon disserter sur l'évidence ?
La question n'est pas celle là, en effet, mais celle du bien-fondé d'une interdiction totale dans un pays qui place la liberté - et la confiance qu'elle suppose - au sommet de ses valeurs. Dans un vieil Etat de droit comme le nôtre, le Conseil d'État a sagement replacé le débat là où il doit l'être. La prohibition absolue du voile intégral n'a tout simplement pas de fondement juridique. La fausse sécurité - purement théorique d'ailleurs - qu'elle offrirait aurait un coût exorbitant pour notre démocratie : la limite des interdits est une frontière fragile qu'on ne repousse pas sans danger.
Avec une grande sobriété dans un dossier obscurci par les passions électorales, la plus haute juridiction administrative française s'est dressée contre une forme de démagogie législative indigne de la France des Lumières. Faudrait-il que notre pays soit à ce point fébrile pour légiférer aussi durement avec un texte qui ne concernerait que... 2 000 femmes tout au plus. C'est encore trop ? D'accord. Mais pas une menace suffisante, tout de même, pour mettre en péril l'équilibre de notre pays.
Et puis, comme toutes les prohibitions absolues, l'interdiction totale du voile intégral aurait de nombreux effets pervers. Inapplicable, elle serait source de contestations et de surenchères malsaines. Elle déchaînerait, à coup sûr, tous les amalgames, risquant de mettre à l'index le port du voile traditionnel souvent dénué, lui, de tout prosélytisme. Et même elle cloîtrerait chez elles ces femmes Belphégor qu'elle prétend délivrer ! Où serait le progrès d'une société mettant en oeuvre une forme d'exclusion aussi aveugle ?En revanche, les interdictions sélectives, préconisées par le Conseil d'État, dans les services publics, dans certains lieux sensibles, ou dans certaines circonstances, apparaissent pertinentes, suffisantes et justes. Elles se placent dans la même logique mesurée que l'interdiction du port ostensible des signes religieux à l'école proposée par la commission Stasi, et devenue loi en 2004.
En défendant un pays ou l'on se parle à visage découvert, et en refusant qu'on puisse se dissimuler dans des occasions essentielles, c'est à un respect de l'autre - personne individuelle ou collective - que nous rappelle le Conseil d'État. Un choix de civilisation qui célèbre l'essence même de la laïcité, ce subtil et indéfinissable compromis de toutes les libertés.

0 commentaires: