Carla et Michelle, Barack et Nicolas. Le dîner privé, organisé hier soir à la Maison-Blanche, avait tout pour plaire aux photographes. Un côté magazine patiné, sommet glamour, politique people. Les experts en communication raffolent de ce mélange des genres entre vie intime et vie publique. Même si son utilité est somme toute relative.
Si l'on s'en tient aux apparences, ce dîner avait quelque chose de réparateur. Il fallait effacer le souvenir de la visite en France de Barack Obama, en juin 2009. Le tout nouveau président avait alors boudé l'Élysée, préférant passer une soirée en famille dans un bon bistrot parisien.
En outre, la visite à Washington de Nicolas Sarkozy intervient bien après celles d'Angela Merkel, Gordon Brown ou même Silvio Berlusconi. Il ne s'agit que de simples signaux sans grande conséquence pratique. Ils n'en sont pas moins révélateurs de l'importance ¯ et de l'intensité ¯ d'une relation bilatérale.
En cela, Sarkozy et Obama, si différents par leur tempérament, sont en fait les héritiers d'une curieuse tradition. Des deux côtés de l'Atlantique, la relation personnelle entre les deux présidents a rarement été un modèle du genre. On peut reprendre la série. Du couple De Gaulle/Kennedy au couple Chirac/Bush, les divergences profondes, voire les tensions, n'ont pas manqué. Sans pour autant jamais véritablement entamer le lien franco-américain, si ancien, si profond et si stratégique.
Car, au fond, si Paris et Washington recherchent toujours un soutien réciproque, ils ne renoncent jamais ni à leur vision universaliste ni à leurs intérêts propres. Ainsi, sur l'Afghanistan, Obama aurait souhaité un soutien militaire plus effectif ; Sarkozy ne veut pas aller au-delà de la mission de formation des forces de sécurité afghanes. Sur le dossier iranien, Paris n'a jamais cru que la politique américaine de la main tendue pourrait produire quelque effet. La normalisation en cours à Téhéran le confirme tristement.
Sur l'économie, les différences d'approche sont encore plus flagrantes. Au coeur de la crise financière, Nicolas Sarkozy a pu invoquer la refonte du système international, décréter bruyamment la mort des accords de Bretton Woods, fondateurs de la Pax Americana de l'après-guerre. Ces effets de manche, réitérés à New York lundi, ont laissé de marbre le statuaire Obama. Soucieux de faire d'abord sortir son propre navire de la tempête sans nécessairement scier la branche sur laquelle il était assis.
Et pourtant, tout cela n'entame pas vraiment la conviction qu'en cas de coup dur, l'alliance tiendra. L'échange constant de renseignements sensibles dans la lutte contre le terrorisme n'y est d'ailleurs pas étranger. En juillet 1981, Mitterrand avait joué cette carte pour rassurer un Reagan préoccupé par l'arrivée de la gauche aux affaires. En septembre 2001, le renseignement français n'a pas agi différemment. C'est encore vrai aujourd'hui.
Certes, le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan, par sa valeur symbolique, aurait dû booster la relation bilatérale. Cela n'a pas été le cas, loin de là. Sans doute du fait que la mondialisation et l'émergence de l'Asie comme puissance viennent, comme on l'a vu à Copenhague, de déplacer le centre de gravité des affaires internationales vers le Pacifique. Enlevant du lustre au dîner atlantique d'hier soir. Malgré les flashs.
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