Le ton chiraquien du Président masque mal son absence de marge de manoeuvre en France ainsi qu'à l'échelle européenne.
L'avancée est symbolique, mais digne d'être relevée : la France et l'Irlande ont obtenu, au sommet européen de la semaine dernière, que l'agriculture soit intégrée dans la « Stratégie 2020 de l'Union européenne ». C'était bien le moins après les propos fracassants de Nicolas Sarkozy, au lendemain des régionales, disant préférer une crise à un démantèlement de la politique agricole commune.
Un ton chiraquien auquel les agriculteurs, échaudés par une longue période d'indifférence de Nicolas Sarkozy pour leur cause, ne croient guère. Le congrès de la FNSEA, qui s'ouvre aujourd'hui à Auxerre, va évidemment commenter ces propos dans les conversations de couloirs. Officiellement, on feint la surprise «enfin !», lâchait Jean-Michel Lemétayer, il y a quelques jours. En réalité, officieusement, bien des cadres syndicaux ne croient guère à la capacité de la France d'entraîner toute l'Europe vers un maintien de la Pac. «Il nous promet la lune », remarque un administratif du syndicalisme majoritaire.
Le plus ennuyé est peut-être le ministre de l'Agriculture lui-même. Certes, il est conforté par les propos présidentiels, mais surtout, c'est lui qui devra ramer pour tenir les promesses de Nicolas Sarkozy. Et ce sera dur. Hier, il a de nouveau tenté de faire avancer le dossier de la régulation européenne auprès des 26 autres ministres de l'Agriculture européens. Il est loin d'avoir gagné la partie d'autant que l'identité de vues entre la France et l'Allemagne est encore à finaliser.
Un document est attendu pour avant juin. Aujourd'hui, c'est en France, à son ministère, que Bruno Le Maire va tenter de faire fléchir les industriels pour qu'ils acceptent le principe de la hausse des prix du lait payé aux producteurs. Les deux dossiers sont plus liés qu'il n'y paraît. Les laiteries industrielles ne cessent de faire référence au prix du lait payé en Allemagne pour justifier leur refus d'une hausse.
L'État français n'a aucun moyen juridique de faire fléchir les industriels. De même qu'il n'a aucun moyen pour forcer le mariage entre Sodiaal et Entremont, condition nécessaire pour l'émergence d'un nouveau grand groupe français capable de payer correctement les producteurs de lait.
Les salariés d'Entremont inquiets
Annoncé pour décembre, ce mariage n'est pas encore consommé fin mars. Une situation qui inquiète les salariés. Jean-Pierre Trouboul, secrétaire général du Comité de groupe Entremont (4200 salariés) craint ainsi de voir un quart de la collecte du groupe laitier abandonné par Sodiaal, candidat à la reprise d'Entremont. Une telle réduction « entraînerait le licenciement de 60 à 80 des seuls chauffeurs », estime le syndicaliste. Pour Gérard Budin, président de Sodiaal, ces « affirmations » sont « infondées ». Le ministère de l'Agriculture nie de son côté avoir eu connaissance de cette proposition.
C'est cela, l'équation compliquée de la nouvelle politique agricole à la française : d'un côté des propos très définitifs du chef de l'État; de l'autre des moyens très limités pour ceux qui devront tenir... ses promesses.
Hervé PLAGNOL.
mercredi 31 mars 2010
Les engagements de Sarkozy à l'épreuve des faits
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