samedi 4 mai 2013
Hollande ou une année perdue pour la France
Hollande ou une année perdue pour la France
Depuis dix-huit mois, nous commentons ici l'action politique deFrançois Hollande. Ce fut d'abord celle du candidat dès l'ouverture officielle de la campagne électorale. Puis celle du président durant l'année qui vient de s'écouler. Nous avons tenté de le faire avec le maximum d'honnêteté. Toutefois, nos propres engagements et l'emportement auquel ils entraînent inévitablement nous ont souvent amené à des excès de plume que certains de nos lecteurs n'ont pas manqué de relever. Ainsi le veut le jeu politique. Il n'y a pas de démocratie vivante sans passion. On fête aujourd'hui le premier anniversaire du mandat de François Hollande. C'est, selon l'usage, l'occasion d'un bilan, qui permet et exige un jugement plus distancié que ne le fait un commentaire au jour le jour. On se gardera donc aujourd'hui de toute tentative polémique. On s'en tiendra à l'irréfutable.
L'irréfutable en la matière, c'est d'abord l'état de l'opinion tel que l'établissent enquêtes et sondages. Or, les chiffres sont là : seul un Français sur quatre fait actuellement confiance au président de la République, et seul un Français sur cinq voterait pour lui au premier tour d'une élection présidentielle. Ce désaveu est spectaculaire. L'échec de François Hollande est donc total. Total au sens propre du mot en ce que, si on analyse les enquêtes, il touche à l'ensemble des domaines essentiels concernés par la conduite des affaires publiques : l'économique, le social, l'Europe et le politique. Sur ces quatre terrains, l'action du président de la République au cours de l'année écoulée se solde par un passif, et de surcroît par une situation de crise. À quoi s'ajoute un désastre moral.
L'irréfutable, c'est ensuite le tableau comparatif de ce qui sépare l'intention du résultat. Aucune des priorités que s'était fixées Hollande n'a trouvé son aboutissement, au premier rang desquelles l'emploi, dont la situation est plus que jamais dramatique. Non seulement l'ambition relative à la croissance a fait long feu, mais elle a envenimé l'Europe et détérioré la relation entre la France et l'Allemagne. La dépense publique n'a été réduite que dans des proportions dérisoires. L'équilibre budgétaire n'a été réalisé, et encore, que par une politique fiscale hargneuse qui a aliéné du pouvoir les milieux de l'entreprise. Il a fallu le rapport Gallois pour que le gouvernement s'intéresse aux problèmes de la compétitivité et du coût du travail. Le "redressement productif" n'a été qu'un voeu pieux, mené dans l'incohérence, et il se solde par un parjure : la fermeture d'usines qu'on s'était engagé sur l'honneur à maintenir en activité. Certes, quelques réformes ont été mises en chantier, notamment en matière sociale. Mais les réflexes conservateurs qu'elles ont provoqués, à gauche même, en réduisent la portée, et la crise fait le reste.
Était-il nécessaire de tant promettre, de nier avec autant d'assurance la réalité de la crise, de stigmatiser l'adversaire avec autant d'arrogance, de se targuer de tant de supériorité pour aboutir à tant de médiocrité ? La première faute de Hollande a été d'orgueil. Le mépris sous l'apparence de la bonhomie. Il a manqué de modestie. On l'aurait admis si cette morgue - "moi, président de la République !... - avait été mise au service soit d'une idée forte soit d'une volonté affirmée. C'est la personnalité du chef de l'État qu'on met ici en question, nonobstant ses qualités d'intelligence et d'habileté politique.
Mais qu'est-ce qu'une idée forte, il est vrai, capable aujourd'hui de répondre au désordre du monde et à la situation fragile dans laquelle se trouve la France ? On peut toujours rêver d'un Prométhée, mais c'est une illusion, et l'on n'en demande pas tant. Une idée forte, ce serait le fruit d'une sagesse exempte de tout dogmatisme, inspirée par une vision lucide de la réalité et propre à rassembler le plus grand nombre. On est ici à l'opposé de l'image que donne Hollande et de l'action qu'il a menée jusqu'à présent. Il a rêvé et il a divisé. Il a rêvé la croissance, il a rêvé la justice et il a rêvé les possibilités de la France. En toute bonne foi sans doute, mais selon une lecture idéologique convenue et archaïque. Esclave de cette culture manichéenne héritée de l'histoire de la gauche, il a divisé sottement le pays, surtout par un discours sectaire qui rendait peu lisibles les quelques tentatives qu'il faisait pour se libérer de ses aliénations. Ce faisant, il irritait à la fois la gauche et la droite, quand il fallait les rassembler. Même sa famille, il se montre incapable de la rassembler. Il ne sait pas réunir, il additionne. Il gouverne la France comme il gouvernait le Parti socialiste. La composition du gouvernement Ayrault est emblématique de cette confusion. Une confusion qui par nature paralyse la volonté, pour autant que celle-ci existe. Hollande n'a réussi qu'un acte politique : l'intervention au Mali. Et pour cause : elle était à l'avance assurée de l'adhésion populaire.
Entravé par ses propres adhérences, par sa culture, par ses méthodes, par son passé de fonctionnaire de parti et, qui sait, par sa nature, le président de la République est condamné à louvoyer et à capituler. C'est un homme incertain qui donne le change par une habile posture de suffisance. Son problème est l'autorité. On veut bien croire qu'il a l'ambition de réformer. Il ne le fera pas, cela est assuré, il s'est privé des moyens nécessaires. La seule réforme visible à mettre depuis un an à son actif, si l'on peut dire, est celle du "mariage pour tous", la plus diviseuse et la moins urgente de toutes, ce qui en dit long sur ses choix tactiques. Les autres, qu'il annonçait pourtant comme majeures : le vote des étrangers, le cumul des mandats, il les a ajournées. Reste la "République exemplaire". L'affaire Cahuzac est venue lui apporter l'occasion inespérée de retourner la morale à son profit par un tour de passe-passe qui n'a trompé personne et qui ne règle rien du problème de l'affaissement des moeurs politique. La vertu peut attendre, elle a l'habitude. Sur ce sujet, droite et gauche sont rassemblées.
Voilà donc une année perdue pour la France, et gagnée pour Hollande. Il y est, il y reste. Et y restera. Car il a beau gouverner à la manière des présidents du Conseil de la IVe République, il est l'heureux prisonnier des institutions de la Ve qui vont lui permettre, sauf événements dramatiques, de rester au pouvoir jusqu'en 2017, fût-il minoritaire, fût-il même demain le président d'une cohabitation. N'est-ce pas ce qu'il souhaite ? On le voit bien s'y faire.
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