En 2009, un tremblement de terre avait ravagé les Abruzzes, entraînant la mort de 309 personnes. Il est reproché aux experts de n'avoir pas prévu la catastrophe, d'avoir fourni des informations inexactes, incomplètes et contradictoires sur ces secousses qui se succédaient depuis plusieurs mois et inquiétaient les habitants. Ces scientifiques se montraient même rassurants. Cependant, le drame survient, privant des milliers de personnes de leurs habitations.
On comprend la souffrance des habitants et leur ressentiment. Mais se pose une question : est-il possible de prévoir un tremblement de terre à quelques jours près ? Non, répondent les scientifiques qui estiment, de plus, qu'en Italie ce risque est permanent. Leur condamnation a fait réagir la communauté scientifique et tous les membres de la commission grands risques ont démissionné.
Le président de la commission a estimé qu'un tel verdict, « c'est la mort de la collaboration entre l'État et les scientifiques ». Ceux-ci ne sont plus en mesure de travailler sereinement. Ceux qui seront chargés d'analyser les prévisions de risques seront enclins à multiplier les alarmes à la moindre occasion, semant ainsi la panique dans la population. Or on ne peut ni prévoir ni exclure le risque de séisme...
Non au bouc émissaire
Mais voici qu'en France, ces jours derniers, un problème de même nature est abordé. Il s'agit d'une psychiatre qui se retrouve sur le banc des prévenus. Elle est poursuivie pour homicide involontaire, après un meutre commis par un des ses patients. Le procureur a requis contre elle un an de prison avec sursis. Cinq syndicats de psychiatres la soutiennent car sa responsabilité, à leurs yeux, « apparaît pratiquement nulle » (1). « Les psychiatres ne sont pas des policiers », estiment-ils.
La psychiatrie n'est pas une science exacte. Une condamnation serait une pression qui finirait par transformer les psychiatres en « gardiens de l'ordre public ». On veut désormais que le médecin évalue la dangerosité. Dans ces conditions, « le médecin n'aura donc plus à faire un diagnostic, mais un pronostic », ce qui pousse l'Académie de médecine et le Conseil national des compagnies d'experts en justice à dénoncer « l'utopie du risque zéro ».
C'est bien ce désir de sécurité qui sous-tend ces verdicts et ces réquisitoires. Dans notre monde aseptisé, policé, régulé, organisé, on voudrait se soustraire à tout danger. S'il survient, on recherche aussitôt la cause, ce qui est normal. Mais on va plus loin, en s'efforçant de découvrir l'auteur de l'accident. Il nous faut un coupable. Ce fameux bouc émissaire que l'on peut frapper pour se soulager de sa peur et de sa colère.
Ces drames sont, en effet, des drames affreux. Mais le pire est souvent de se donner bonne conscience et de se rassurer en accusant et en condamnant même ceux qui s'efforcent de veiller pour épargner, autant qu'ils le peuvent, les dangers qui nous menaceront toujours.
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