Après Bild, The Economist. Que le quotidien allemand se demande si la France va devenir la nouvelle Grèce, passe encore.
Après tout, n'était-ce pas une provocation de tabloïd ? Mais que
l'hebdomadaire britannique, particulièrement lu à Wall Street et à la
City, fasse de l'Hexagone une bombe à retardement au coeur de l'Europe,
là, ça commence à faire beaucoup. D'autant qu'il n'en est pas à son
premier avertissement. Déjà en mars, l'hebdomadaire avait critiqué la
campagne présdientielle des deux candidats avec une "une" inspirée du Déjeuner sur l'herbe de Manet, intitulée La France dans le déni.
Alarmisme
Un tel alarmisme peut paraître surprenant au moment même où la presse célèbre, quasi unanime, "le tournant" - toujours non assumé - de la politique économique de François Hollande. The Economist ne cherche pas à le cacher. "La gauche devrait être plus à même que la droite de persuader les syndicats d'accepter le changement", écrit l'hebdomadaire dans son éditorial. Et d'énumérer les signes encourageants du pouvoir : la promessee d'appliquer peu ou prou les préconisations du rapport Gallois, celle de "faire mieux en dépensant moins" et la volonté de flexibiliser le marché du travail.Mais tout cela reste insuffisant. "Pourquoi le monde de l'entreprise croirait-il en ce gouvernement alors qu'il a déjà fait passer un ensemble de mesures de gauche, dont une taxation maximum de 75 % de l'impôt sur le revenu, l'augmentation des impôts sur les entreprises, le patrimoine, les revenus du capital et les dividendes, une hausse du salaire minimum et le retour partiel sur l'augmentation de l'âge de la retraite ? Pas étonnant que tant de futur chefs d'entreprise parlent de quitter le pays."
Au rayon des faiblesses de la France figure notamment, aux yeux de The Economist, le taux de dépenses publiques rapporté à la richesse nationale. Celles-ci atteignent maintenant 57 % du PIB. La dette publique, elle, a franchi pour la première fois le seuil des 90 %, considéré comme celui à partir duquel les investisseurs réfléchissent à deux fois avant de prêter. Un chiffre cité il y a quelques années encore comme critique par les responsables chargés de placer la dette française sur les marchés...
Réticence à l'intégration européenne
Mais les ratios ne disent pas tout. La compétitivité française est elle aussi menacée, surtout par rapport à l'Allemagne. Le déficit courant n'a cessé de se creuser depuis le léger excédent de 1999 pour atteindre le déficit le plus élevé de toute la zone euro. Les marchés des biens et des services sont trop régulés (taxis, pharmacies, notaires, énergie...), ce qui augmente les coûts. Les riches et les entrepreneurs sont mal vus, regrette The Economist. Qui poursuit sa démonstration : pas une seule entreprise nouvellement apparue n'a intégré le CAC 40 depuis la création de l'indice en 1987. Quant aux licenciements, ils peuvent donner lieu à des procédures judiciaires sans fin, ce qui n'a pas empêché le chômage d'exploser et de dépasser 10 % de la population active. Et malgré tout, les syndicats en appellent à la rue au premier signe de réforme.Alors, bien sûr, The Economist reconnait de nombreux points forts à l'économie française. Ses grandes entreprises, sa capacité à attirer les investisseurs étrangers, ses infrastructures de transport... C'est aussi la première destination touristique au monde.
Mais cela ne suffit plus. Nombreux sont les gouvernements européens qui se sont lancés dans de grandes réformes, aiguillonnés qu'ils étaient par l'ampleur de la crise et par un électorat qui ne voyait pas d'alternative. Aucune de ces conditions n'existe en France. François Hollande et sa campagne électorale y sont pour quelque chose.
Pire, François Hollande "se cache derrière sa serviette" dès qu'il s'agit de discuter d'intégration européenne. N'a-t-il pas fait ratifier à reculons le traité budgétaire européen après avoir promis de le renégocier ? Les Français ne sont pas prêts à abandonner une part de leur souveraineté au profit de l'Europe, estime The Economist. Le chef de l'État doit faire avec un parti profondément divisé entre les partisans du oui au traité constitutionnel européen de 2005 et les partisans du non. Si l'histoire devait bégayer, cela pousserait la monnaie vers "le chaos".
The Economist ne prend pas de gants : "Jusqu'à présent, les investisseurs ont été indulgents avec la France." Mais "tôt ou tard", cela devrait changer car "on ne défie pas longtemps l'économie (...) la crise pourrait frapper dès l'année prochaine". Conclusion : "Il ne reste plus beaucoup de temps à François Hollande pour désamorcer la bombe au coeur de l'Europe."
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