Alors que la réalité s'éloigne de plus en plus des idées libérales,
elles ont une influence et une audience croissantes. Pour leurs
détracteurs, les défenseurs de la liberté n'ont pas tort ou raison ; ils
n'ont tout simplement jamais réfléchi réellement aux fondements de
leurs idéaux, forcément simplistes et extrémistes. Ils sont des adolescents, évidemment haineux et utilisant le libéralisme comme prétexte pour mettre en pièces l’État et tous ceux qui comptent sur lui par la même occasion. Chers détracteurs, pour éviter le ridicule, apprenez à nous connaître…
Le vocabulaire libéral permet de mieux se rendre compte du mal qui
les ronge : ils appellent ceux qui vivent aux dépens des autres des parasites, ceux que l’État assiste des assistés, ceux qui veulent mettre en commun les richesses des collectivistes.
Pire : ils valorisent les créateurs de richesse, ceux qui produisent,
innovent, ceux qui ont du talent, et pensent que les empêcher de jouir
des fruits de leur travail au profit de ceux qui ne créent pas, c'est sanctionner les vertueux.
Ils ne veulent pas corriger les injustices de la nature, celles qui
font que certains sont meilleurs que d'autres ; au lieu de cela, ils
pensent qu'on devrait laisser les meilleurs créer et qu'ils sont le
moteur de l'économie et la source du progrès.
Heureusement, Nicole Morgan, professeur de philosophie, est là pour nous rappeler dans un article du Nouvel Observateur que "Ayn
Rand est arrivée à point nommé pour donner une permission prétendument
morale à tous les entrepreneurs de la mondialisation. Ils la vénèrent.
Elle leur apporte une caution "intellectuelle" : les entrepreneurs sont
seuls créateurs de croissance illimitée, agents du bien commun auquel
tendrait l'humanité. Bush, tout imbu des idées ambiantes de Rand,
n'avait cependant pas osé pousser si loin l'appel à la chasse aux
"parasites". Il prônait "le conservatisme compassionnel", qui lui
permettait de se débarrasser du problème en redonnant aux Églises le
pouvoir de gérer la charité. La crise économique a fait monter d'un cran
les ressentiments contre les pauvres, tueurs de croissance, et on est
arrivé à ce manque total d'empathie qu'est la haine. Une haine froide,
qui n'appelle pas à l'extermination violente mais s'organise autour de
cette pseudo-science qu'est l'économie ultralibérale, laquelle, après
avoir été ointe par l’École de Chicago, veut remplacer le champ
politique. C'est le triomphe de l'extrémisme et du simplisme
idéologiques."
Ayn Rand apporte une caution "intellectuelle" et "prétendument
morale" aux méchants libéraux, elle ne peut évidemment pas être une
philosophe. Un philosophe sait bien, lui, que le manque total d'empathie
n'est pas la haine ; mais, par un glissement sémantique fort adroit, il
peut transformer ceux qui pensent qu'il ne faut pas sacrifier les uns
aux dépens des autres en extrémistes, simplistes idéologiques, qui s'organisent autour d'une pseudo-science ultralibérale - autre glissement sémantique, on parle plutôt ici de turbo-proto-méga-giga-
Un philosophe peut également sortir les propos des hommes politiques de leur contexte : "À
côté d'autres, [Romney] fait, certes, figure de modéré. Il a été poussé
vers des positions extrêmes par les "néocons". Mais il reste un
absolutiste de l'idéologie du marché. Dois-je rappeler son cri du cœur
si randien : il n'est pas question de s'occuper des 47% d'assistés
américains surtout s'ils sont électeurs démocrates. Il a exprimé tout
haut le fondement d'une idéologie profondément antinationale qui refuse
de s'occuper de tous les citoyens américains. Seule compte la croissance
en soi. S'il est élu, la vague de dérégulation et de privatisations
deviendra une déferlante."
Ainsi, Romney expliquant pendant sa campagne en comité restreint qu'il était vain de tenter de convaincre les 47% d'Américains
qui perdraient, en cas de victoire, le bénéfice du travail des autres
et voteraient donc démocrate, devient Romney ne voulant pas s'occuper
des pauvres surtout s'ils sont démocrates. À vrai dire, le glissement
pourrait avoir du sens. Pour éviter que les propos ne soient déformés,
soyons clairs : les libéraux refusent de vivre aux dépens d'autrui et
que quiconque vive à leurs dépens. Ils sont contre la redistribution,
contre la mise en commun des ressources, refusent que le besoin des uns
soit une créance sur la vie des autres. Ils ne refusent pas la solidarité, mais souhaitent qu'elle soit consentie.
Peut-être faut-il insister sur un point important d'incompréhension.
Les libéraux sont individualistes, ils pensent que l'individu est
souverain ; ils pensent que chaque individu doit être libre et maître de
sa propre vie, sans empêcher les autres de jouir des droits qu'ils
reconnaissent à chaque être humain : liberté, propriété privée, sûreté.
Ils ne pensent pas que les individus doivent nécessairement vivre seuls
dans les bois sans interagir avec quiconque ; au contraire, ils pensent
que l'échange enrichit et profite à tous, pourvu qu'ils en acceptent les
règles : échanger valeur contre valeur sur la base du consentement
mutuel. Les libéraux pensent que le libéralisme est le système le plus
juste, et c'est pourquoi ils veulent que chacun puisse en jouir. Ils ne
veulent rien imposer aux individus ; ils ne veulent pas seulement jouir
de leur liberté, mais que tous en jouissent.
Mais quand on est Nicole Morgan – je cite, "La haine la sous-tend, le chiffre l’aseptise, l’incompétence la qualifie.", on considère plutôt que "Comme
toute idéologie, elle repose sur des postulats simplistes qu’elle
transforme en vérités irréfutables sous la bannière d’une pseudo-science
: ici l’économie. Comme les idéologies dures, elle véhicule des
émotions fortes qui puisent dans l’inconscient collectif, haine et peur
en tête, punitions à l’appui, intégrismes en sus".
Ayn Rand, cette auteur démoniaque qui va jusqu'à faire de l'égoïsme une éthique, a dit :
"Je ne suis pas en premier lieu une partisane du capitalisme,
mais de l'égoïsme ; et je ne suis pas en premier lieu une partisane de
l'égoïsme, mais de la raison. Si on accepte la suprématie de la raison
et qu'on l'applique de manière cohérente, tout le reste en découle. Cela
– la suprématie de la raison – était, est et sera l'objet principal de
mon travail, et l'essence de l'objectivisme." (Ayn Rand, "The
Objectivist"). L'appel à des "émotions fortes qui puisent dans l'inconscient collectif" aurait pu être plus explicite…
Le libéralisme repose sur des postulats, comme toute philosophie,
comme toute morale, comme toute éthique ; et comme tous postulats, la
suite du raisonnement procède d'eux. On peut les réfuter. Cela suppose
simplement d'avoir le courage d'affirmer qu'initier la violence peut
être moral, que la propriété privée est sans fondements, qu'on peut
légitimement sacrifier les uns au service des autres, qu'il est plus
juste de choisir pour les individus que les laisser décider pour
eux-mêmes, que créer quelque chose ou le posséder donnent moins de
droits dessus qu'en avoir besoin. Cela suppose d'accepter que l'homme ne
doit pas être libre de se fixer ses propres buts mais être contraint de
poursuivre ceux qu'on chercherait à lui imposer, de force s'il le faut.
Cela suppose d'accepter que nous soyons tous maîtres ou esclaves,
peut-être les deux à la fois, plutôt que libres. C'est ce que semble
souhaiter Nicole Morgan. Mais vous ?
Cliché 2 – Le libéralisme est anglo-saxon
Cliché 3 – Le libéralisme, c’est la droite de la droite
Cliché 4 – Le libéralisme, c’est le chaos
Cliché 5 – Le libéralisme, c’est la loi de la jungle
Cliché 6 – Le libéralisme, l’Homme réduit à l’homoeconomicus
Cliché 7 – Le libéralisme, c’est l’absence de valeurs morales
Cliché 8 – Le libéralisme s’oppose aux droits de l’homme
Cliché 9 – Le libéralisme, c’est la propriété contre les pauvres
Cliché 10 – Le libéralisme, ce n’est pas la liberté réelle
Cliché 11 – Le libéralisme, c’est le relativisme
Cliché 12 – Le libéralisme, c’est l’absence de justice sociale
Cliché 13 – Le libéralisme, c’est l’égoïsme
Cliché 14 – Le libéralisme, c’est l’anarchie
Cliché 15 – Le libéralisme, c’est l’absence de démocratie
Cliché 16 – Le libéralisme c’est la logique comptable agrégée
Cliché 17 – Le libéralisme pousse à la restriction
Cliché 18 – Le libéralisme, c’est des prix sans liens avec la valeur
Cliché 19 – Le libéralisme, c’est la fin d’un salaire minimal
Cliché 20 – Le libéralisme, c’est les échanges au profit des puissants
Cliché 21 – Le libéralisme, c’est la mondialisation
Cliché 22 – Le libéralisme, c’est la concurrence pure et parfaite
Cliché 23 – Le libéralisme, c’est la tromperie commerciale
Cliché 24 – Le libéralisme, c’est la vie sacrifiée à des profits
Cliché 25 – Le libéralisme, c’est le chômage ou l’exploitation
Cliché 26 – Le libéralisme, c’est la pollution sans limites
Cliché 27 – Le libéralisme, la spéculation contre la monnaie
Cliché 28 – Le libéralisme, c’est la hausse des prix
Cliché 29 – Le libéralisme, c’est l’argent fou
Cliché 30 – Le libéralisme, c’est le pouvoir à la finance et aux banques
Cliché 31 – Le libéralisme, c’est les diktats de la banque centrale
Cliché 32 – Le libéralisme, c’est le capitalisme sauvage
Cliché 33 – Le libéralisme, c’est les taux d’usuriers
Cliché 34 – Le libéralisme est responsable de la crise
Cliché 35 – Le libéralisme, c’est l’absence de solidarité santé
Cliché 36 – Le libéralisme, c’est la marchandisation de la culture
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