« C’est comme un navire lancé à pleine vitesse », a reconnu
lui-même Michel Sapin, le ministre du Travail, en commentant les
épouvantables chiffres du chômage pour le mois de septembre.
Puisque la France a vu le nombre de ses demandeurs d’emploi augmenter
de 46 900 en un mois. Ce qui constitue la plus forte progression depuis
plus de trois ans.
Désormais, notre pays compte officiellement 3 057 900 chômeurs
n’exerçant aucune activité et 4,8 millions de personnes inscrites à Pôle
emploi car elles ne bénéficient que d’une activité réduite. Ce qui est
le plus impressionnant, c’est que ce gouvernement, en place depuis plus
de cinq mois n’ose même plus évoquer l’héritage du passé pour expliquer
ces chiffres désastreux. Car ils sont pires de mois en mois. Comme si le
phénomène s’accélérait. Comme si ce “bateau ivre” était effectivement
“lancé à pleine vitesse”.
Personne ne peut se réjouir de l’échec du gouvernement en
matière de politique de l’emploi, tant il y a de drames personnels
derrière cette question du chômage, tant cette inactivité chez les
jeunes participe de la déconstruction de la société, et tant notre pays
semble s’enfoncer dans une horrifiante paupérisation collective. Mais
comment comprendre que cette majorité socialiste qui a fait campagne,
pendant des semaines, contre Nicolas Sarkozy en le dénigrant, notamment
sur son bilan en matière d’emploi, n’ait pas considéré ce sujet comme
une priorité ? Comment comprendre qu’au lieu de s’attaquer de front à
cette plaie qu’est le chômage, le gouvernement ait préféré faire de la
gesticulation sur les salaires des patrons d’entreprises publiques,
mettre en chantier le mariage homosexuel, ou construire cette “usine à
gaz” qu’est la Banque publique d’investissement ?
Bien sûr, il y a un mois, voyant sa popularité s’effondrer avec la
fin des “cent jours”, François Hollande est venu expliquer à la
télévision qu’il se fixait comme objectif d’inverser la courbe du
chômage au bout d’un an. Hélas, ce pari est perdu d’avance. Car le
président de la République a beau avoir été élève d’HEC et professeur
d’économie à Sciences Po, il a oublié que pour qu’un pays recommence à
créer de l’emploi, il lui faut d’abord faire de la croissance (au moins
1,5 à 1,7 %). Or la France affichera au mieux cette année une croissance
zéro et dans le meilleur des cas l’an prochain une décroissance de 0,5
%, si l’on se fie aux estimations des économistes.
Cela signifie que non seulement les entreprises ne pourront plus
créer d’emploi, car leur activité, leurs carnets de commandes et leur
confiance dans l’avenir seront insuffisants. Mais surtout, les
licenciements, les plans sociaux (même si ceux-ci ne représentent qu’une
petite partie des emplois perdus) et le non-remplacement des personnes
en retraite vont s’accélérer. La plupart des experts s’attendent à une
destruction de 200 000 à 300 000 emplois supplémentaires au cours des
douze mois à venir.
Ce ne sont pas les “mesurettes” annoncées par Michel Sapin qui vont
changer grand-chose à ce drame du chômage de masse. D’un côté, le
ministre du Travail a annoncé la création de 40 000 contrats aidés dans
le secteur public (cantonniers, employés municipaux, surveillants de
collèges…). Ce qui porte à 500 000 le nombre de jeunes employés de
manière temporaire dans ces nouveaux “ateliers nationaux” qui coûtent
très cher à l’État et aux collectivités, mais qui visent à nettoyer les
statistiques de Pôle emploi. D’un autre côté, le grand projet de
François Hollande – les contrats de génération consistant en l’embauche
d’un jeune lié au maintien en activité d’un senior dans l’entreprise –
va entrer en fonction début 2013. Mais cela ne changera rien à la dérive
des chiffres de l’emploi, dans la mesure où cela va créer un effet
d’aubaine pour les entreprises souhaitant titulariser des contrats à
durée déterminée ou des jeunes en apprentissage.
Même François Mitterrand avait fini par comprendre, en mars 1984,
après sa visite dans la Silicon Valley, qui lui a servi de “chemin de
Damas”, que pour créer des emplois la meilleure solution était encore de
créer des employeurs, comme le dit si bien Yvon Gattaz. Mais pour cela
il faut tout faire pour faciliter la création d’entreprise, l’accès aux
financements et aux investisseurs, et surtout alléger les contraintes
qui pèsent sur l’emploi, et fluidifier le marché du travail.
François Hollande a préféré s’inscrire dans une démarche idéologique
de dénonciation de la richesse, de taxation de toutes sortes de profit,
et d’antagonisme entre ceux qui apportent le capital et ceux qui
voudraient mettre leur force de travail à disposition des employeurs. Ce
faisant, il a fait de l’économie française “un navire lancé à pleine
vitesse”. Mais un navire sans pilote et se dirigeant tout droit vers un
iceberg. Une sorte de Titanic qui aurait appareillé le 6 mai dernier.
Que faudra-t-il pour ouvrir enfin les yeux du commandant et éviter un
tel naufrage ?
dimanche 4 novembre 2012
A la barre du Titanic
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