vendredi 26 octobre 2012
Les Français ont peur
Les Français ont peur
Les critiques sur l'amateurisme supposé du gouvernement, l'accusation de
faiblesse du Premier ministre et les doutes sur sa longévité à Matignon
fleurissent pour une bonne et simple raison : les Français ont peur.
Bien sûr, on peut minimiser telle fronde fiscale catégorielle en lui
opposant l'intérêt général. On peut relativiser les cafouillages de
communication d'une équipe jugée trop provinciale, trop inexpérimentée,
un brin surmenée. On peut disserter sur les raisons réelles de
l'acharnement de certaines voix, d'autant plus sévères aujourd'hui
qu'elles furent louangeuses il y a six mois. Mais il ne faut pas
confondre la cause et la conséquence d'un désamour : il y a un très gros
malaise.
Les Français ont peur. D'abord parce qu'ils doutent plus ou moins
confusément, depuis le 6 mai, des capacités de la gauche à redresser le
pays. La présidentielle, répétons-le, fut autant le résultat d'un rejet
que d'une adhésion.
La victoire acquise, l'heure n'était pas aux vacances tant la
confiance restait à construire. La rapidité de la chute de l'exécutif
dans les sondages l'a confirmé dès les premiers pas du nouveau pouvoir.
Les Français ont peur de devenir des Espagnols ou des Grecs. Ils
savent bien que la gauche n'est pas responsable de dix ans de
dégradation régulière de notre compétitivité, du poids actuel des impôts
et des charges sociales ou de l'ampleur des déficits. Mais ils voient
assez l'avalanche des plans sociaux, la vague monstrueuse du chômage, la
pression fiscale croissante qui dissuade de consommer et d'investir.
Alors que se dégage un sentiment d'impuissance et de flou du
politique, le pays est comme pétrifié. Et cet immobilisme du
consommateur et de l'investisseur aggrave la situation dont il est
lui-même le résultat.
Les Français ont peur d'une gouvernance trop tranquille, par
opposition au stress auquel nous avait habitué le quinquennat précédent
et par contraste avec l'énormité des problèmes. François Hollande et
Jean-Marc Ayrault ont fait le choix du temps long. Pour eux, il ne peut
pas y avoir d'effort partagé et durable sans retisser les fils de la
confiance avec les profs, les policiers, les syndicats, les juges... Il
ne peut pas y avoir de redressement sans un rééquilibrage entre riches
et pauvres, entre le travail et la rente.
La négociation est la meilleure manière d'impliquer les acteurs
sociaux dans des choix courageux. Mais cette temporisation devient
anxiogène devant l'urgence des réponses qu'appellent les coups de
boutoir de la crise.
Les Français ont peur que 37 milliards de prélèvements
supplémentaires, démarrés par la droite, accentués par la gauche,
n'achèvent d'asphyxier la croissance et d'anéantir leur foi en l'avenir.
Ils veulent savoir ce qui est meilleur : davantage d'impôt ou moins de
dépense publique ? Plus de ressources pour financer la solidarité ou
moins de charges pour faciliter l'emploi ? Plus de rigueur ou plus de
temps pour assainir nos comptes ?
Les Français ont peur de mourir guéris. On est loin du simple couac
de communication. La majorité peut se féliciter d'avoir une opposition
encore désorganisée. La droite, pour se reconstruire, a la chance
d'avoir un gouvernement déjà fragilisé. Ça ne suffit pas à retendre le
ressort de la confiance.
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