mardi 21 août 2012
Allemagne : l'idée d'un référendum sur le pacte budgétaire européen fait son chemin... sans Merkel
La ratification du pacte budgétaire
européen élaboré en mars par Merkel et Sarkozy pourrait être plus
compliquée que prévu outre-Rhin. De plus en plus de voix s'élèvent pour
que la chancelière recoure au référendum, banni de la vie politique
allemande depuis Hitler. Une stratégie à double tranchant qui pourrait
menacer l'Europe.
Après la France et les Pays-Bas en 2005,
l'Allemagne sera-t-elle le prochain vilain petit canard de l'Europe ?
Alors qu'Angela Merkel était l'une des principales promotrices du "pacte
budgétaire" signé en mars dernier, son pays pourrait bien être l'un des
derniers à le ratifier.
Comme l'indique La Croix,
la procédure de ratification suit son cours dans les 25 pays
signataires de l'Union européenne : l'Irlande a évité un nouvel incident
diplomatique en validant le texte par les urnes le 30 mai, François
Hollande a poussé un "ouf" de soulagement après le feu vert du Conseil constitutionnel du 9 août... mais l'Allemagne est encore suspendue à la décision de son très exigeant Tribunal Constitutionnel de Karlsruhe, qui après une large adoption parlementaire, statuera le 12 septembre prochain sur sa conformité à la Constitution.
En cas de verdict négatif, "un signal potentiellement calamiteux" serait envoyé aux marchés, estime le New York Times. Pour
supprimer cette épée de Damoclès qui pèse sur chaque décision
européenne et accélérer le processus d'intégration, l'idée d'une
révision de la Constitution par référendum est envisagée de plus en plus
sérieusement. Il s'agirait de lever l'ambiguité sur le transfert de
compétence fiscale et économique de Berlin à Bruxelles.
Après
le ministre (conservateur) des Finances Wolfgang Schäuble en juin, le
chef de l'opposition social-démocrate Sigmar Gabriel et Guido Westerwelle, représentant de l'aile libérale de la coalition gouvernementale, se
sont tour à tour prononcés en faveur de cette option. Des intellectuels
notoires, comme le philosophe Jürgen Habermas ou l'économiste Julian
Nida-Rümelin, leur ont emboité le pas.
En
faisant appel à son peuple, l'Allemagne pourrait faire d'une pierre
deux coups : réaffirmer par un signal fort son implication dans la zone
euro, et dépasser la crise de confiance vis-à-vis des institutions de
Bruxelles, grâce à la transparence et la participation civique.
A l'exception de la gauche radicale (qui a contesté la constitutionnalité du pacte),
tout le monde semble être d'accord... sauf la chancelière Angela
Merkel, qui n'a pour l'instant pas bougé d'un pouce sur sa position, exprimée en novembre dernier : "ma
position sur la démocratie représentative au niveau fédéral, sur
l'équilibre entre le Bundestag et le Bundesrat, est inchangée et connue
[…]. Je trouve que notre ordre démocratique, tel qu'il est actuellement,
a permis et permet une grande stabilité interne à l'Allemagne". De
retour de vacances, elle vient de déclarer que le changement doit se
faire "étape par étape", et non par "bonds". Une manière diplomate de
botter en touche.
Et pour cause : l'option référendaire n'est pas sans embûches.
Premièrement,
le recours à un référendum n'est prévu dans la loi fondamentale qu'en
cas de circonstances extrêmes, comme un remodelage des frontières ou
l’adoption d'une nouvelle loi fondamentale. Jamais utilisé depuis la
Seconde guerre mondiale, cet outil fait l'objet d'une méfiance
toute particulière en Allemagne, en partie en raison des plébiscites
auxquels les nazis avaient l’habitude de recourir afin de consolider
leur pouvoir, rappelle le site Fênetre sur l'Europe.
Deuxièmement, le risque d'un vote négatif du peuple allemand n'est pas à exclure. Un sondage de l'institut Allensbach paru dimanche dans le Frankfurter Allgemeine Sontagszeitung indique que seule la moitié des Allemands voteraient pour le maintien dans la zone euro en cas de consultation populaire. Un tiers voterait "non".
Pour
ses détracteurs, le référendum pourrait également apparaître comme une
forme de déchargement de responsabilité de la part du gouvernement et de
la chancelière. C'est ainsi que l'ancien constitutionnaliste allemand
Christian Pestalozza analyse dans les colonnes du New York Times le
soudain retour en grâce du référendum : "On dirait tout simplement que personne ne veut prendre ses responsabilités".
Un argument européiste, déjà développé au moment où certains en France envisageait un référendum, peut également dissuader la chancelière d'y recourir : pour le constitutionnaliste Fabien Cazeneuve, qui s'exprime sur L'Express.fr, un référendum n'aurait de légitimité que s'il était tenu au niveau européen, "parce que si « peuple souverain » il doit y avoir en Europe, il ne peut pas être composé que de « Français »"... ni d'Allemands. Et ce afin de faire primer l'intérêt européen.
Enfin,
Angela Merkel ne veut peut-être pas prendre le risque d'enclencher une
mode irréversible du référendum en Europe : en juin, comme l'indiquait le Daily Mail, les hésitations allemandes ont en effet déjà fait monter la pression sur le Premier ministre David Cameron pour organiser un référendum
sur le maintien du Royaume-Uni dans l'Europe. Valider cette stratégie
le mettrait au pied du mur, et pourrait signer l'acte de naissance du
délitement de l'Europe.
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