dimanche 13 mai 2012
Poker menteur à l’athénienne
Les tractations en Grèce soumettent à rude épreuve les nerfs des
citoyens hellènes, qui ignorent encore où les mène leur classe
politique. Elles crispent aussi les partenaires d’Athènes, car ces
derniers voient remis en question des mois d’efforts pour organiser et
grossir – mais avec des conditions harassantes en contrepartie – l’aide à
la plus vieille démocratie européenne. Avec la Grèce au cœur des
préoccupations, mais aussi le risque d ‘autres crises économiques à
l’esprit, le Vieux Continent a mis en place un pare-feu de 800 milliards
d’euros. Mais la déception voire la colère des opinions, qui a déjà
renversé plusieurs pouvoirs en place, a propulsé la Grèce au-delà d’une
alternance classique, jusque dans la confusion.
À ce jour, toutes
les tentatives de former une coalition viable de gouvernement ont
échoué. De nouvelles élections, quelques semaines après le scrutin qui
vient d’avoir lieu le 6 mai, sont déjà évoquées. Or, elles ne
permettront de résoudre la quadrature du cercle que si d’importants
déplacements de voix modifient sensiblement le rapport des forces et
clarifient la scène des partis. Car le mot fatal, aujourd’hui, est
l’émiettement. Une parcellisation qui traduit, certes, la pluralité des
opinions, mais qui peut devenir synonyme d’impuissance. Et qui peut
sévir dans d’autres pays, quand les coups de boutoir de la crise
fragmentent le socle des idées. Car si les partis « traditionnels »
s’affaiblissent, ils ne disparaissent pas, tandis que les formations
nouvelles enflent le catalogue partisan. En Grèce, le résultat est
saisissant : seulement quatre formations, sur 32 en lice, représentent
plus d’un votant sur dix, mais aucune n’atteint la représentativité d’un
sur cinq (20 %) ! Et en dépit de leur poids somme toute limité,
certaines affichent pour l’heure une bonne dose d’intransigeance.
Ce
poker est menteur dans la mesure où l’on ne pourra sortir de l’impasse
sans compromis. Ah, le vilain mot, abhorré des radicaux et des
inconditionnels ! Qui savent surtout le risque de perdre de leur superbe
de sauveurs providentiels, s’il faut gérer les réalités avec des
partenaires qui ne pensent pas exactement comme eux, mais qui ne sont
pas moins légitimes. Sauf si un nouveau scrutin voyait beaucoup de Grecs
se déjuger.
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