dimanche 13 mai 2012
Mais que peut faire la Grèce pour s'en sortir ?
Kostas Vergopoulos :
La Grèce se trouve dans une très mauvaise passe. Mais elle n'est pas le
seul pays de la zone euro dans ce cas. D’autres pays sont également
dans une mauvaise passe à des degrés variables : l'Irlande, le Portugal,
l'Espagne, l'Italie…
La raison est que l'Euro est
une très mauvaise monnaie et son principal défaut est qu'il lui manque
le mécanisme de sa propre sauvegarde. Il manque le transfert de fonds
stabilisateurs d'un pays à l'autre, notamment des pays à surplus vers
les pays en déficits.
La Grèce est donc victime de
ce manque d'institutions européennes qui puissent soutenir sa monnaie.
C'est un problème européen qui est posé à travers la mauvaise passe de
la Grèce mais, même si la Grèce sort de l'Euro, ce problème persistera
pour les autres, parce que la monnaie européenne fonctionne uniquement
comme si c'était une monnaie allemande. Les autres partenaires de
l'Allemagne sont lésés par ce fonctionnement et la Grèce est la première
victime de cette situation.
Pour s’en sortir,
Il faut établir le mécanisme européen, comme le dit François Hollande,
qui veut donner une priorité à l'établissement des institutions
européennes qui conviennent. Comme pour le dollar, comme en Allemagne à
l’époque du Deutsch Mark, comme au Canada : dans tous les états fédéraux
où il y a une monnaie fédérale, il y a des mécanismes d'appui de cette
dernière. L'absence d'institutions d'appui fait qu'il y a des victimes,
des pays faibles. Et la Grèce est à la tête de ce cortège…
Il y a l'austérité. François Hollande a dit "L'austérité n'a pas marché en France, elle n'a pas marché en Europe, pourquoi marcherait-elle en Grèce ?".
Si on applique l'austérité seule, on sauve soit disant la caisse
allemande mais on détruit l'Europe. Et l'approche qui convient est
d'ajouter le volet croissance qui manque.
Pour
être concret, la Grèce a prévu d'avoir une récession de 5% de son PIB,
et l'année d'avant, c’était - 7%. Pendant toutes ces années, les trois
ou quatre dernières années, on applique le programme d'austérité et le
PIB se rétrécit, se contracte.
Mais si son PIB se
contracte, comment va-t-elle payer sa dette ? La dette croît
automatiquement en tant que pourcentage du PIB si le PIB diminue. C’est
mathématique. On a donc mis la Grèce dans une posture absolument
impossible : elle doit payer sa dette alors qu'elle a de moins en moins
de revenus…
François
Hollande a raison de soulever la question de la croissance. Mario Monti
en Italie aussi. Il faut revenir à la croissance, c'est le seul moyen
de payer ses dettes. Il faut une croissance du PIB plus rapide que le
taux de dettes.
Il faut donc envisager en
premier lieu la croissance européenne, avec des travaux pour l'ensemble
de l'Europe. Pas dans chaque pays mais pour l'ensemble de l'Union
Européenne, et financés par la Banque centrale européenne ou le FESF.
C'est la première option et je pense qu’elle a de fortes chances de
marcher.
Elle pourrait même être acceptée par
l'Allemagne, car n'oubliez pas que l'Allemagne a aussi une croissance de
près de 0% et elle paye en ce moment les taux d'intérêts le moins élevé
en Europe (pour le bond du Trésor allemand : 1,6%). Mais si elle a une
croissance de 0, elle s'endette aussi à 1.6%. C'est-à-dire que la dette
croît par rapport au PIB. L'Allemagne est dans le même piège que celui
dans lequel elle a poussé ses partenaires. La question de la croissance
est donc prioritaire.
Le
secteur énergétique. Il y a pleins de ressources énergétiques en Grèce
qui ne sont pas exploitées ou insuffisamment exploitées. A part le
pétrole, et le gaz naturel qu'il y a sous la mer Egée, il y a l'énergie
solaire.
Les transports sont tout à fait
déficients et la recherche est rudimentaire. L'agriculture n'est aussi
pas suffisamment exploitée. Il n'est pas nécessaire que tout le pays se
spécialise dans l'industrie.
De toute façon, dans
l'industrie, c’est l'Allemagne qui domine. Il n'y a aucun pays européen
qui puisse concurrencer l'Allemagne en ce moment dans ce domaine. Mais
il y a d'autres domaines, la Grèce peut développer ses autres atouts,
comme l’agriculture, l'économie touristique et les communications.
Ce
serait catastrophique. Mais elle n'a aucune envie de se retirer. Si
vous posez la question aux Grecs, ils vous répondront à 80% qu'ils
veulent rester dans la zone euro. Pour les faire sortir, il faudra les
forcer…
Non,
le ministre allemand Wolfgang Schäuble a dit que si un pays veut
sortir, les autres membres ne vont pas l’en empêcher. Mais qu'est ce
qu'on fait si ce pays ne veut pas sortir ? Et la Grèce ne veut pas
sortir !
Dimanche dernier, il y a eu des élections
en Grèce et neuf partis étaient en lice. Parmi ces neuf, il n'y en a
que deux qui veulent sortir le pays de la zone euro. C'étaient le Parti
communiste orthodoxe qui a obtenu 8% des voix, et l'extrême droite qui a
obtenu 6%. 6 et 8, ça fait 14. Tous les autres, y compris la gauche
radicale, veulent rester dans l'Euro.
Elles
seraient catastrophiques. Les revenus des Grecs diminueraient de 80%.
Il ne resterait que 20% de pouvoir d'achat. Ce serait un anéantissement
du pays.
Il
y aura certainement un effet de contagion. Les Irlandais sont vraiment à
bout, ils ne peuvent pas tenir avec cette austérité. Apres avoir payé
leurs dettes, il ne leur reste que 100 euros par mois, ils ne peuvent
pas vivre avec ces revenus. Eux aussi font pression pour le retour de la
croissance. Tout comme les Espagnols, les Portugais, et les italiens,
avec Mario Monti, qui pourtant est un conservateur.
Si la Grèce saute, on aura montré la possibilité
d’une sortie de l’Euro. Donc la spéculation va s’aggraver sur la zone
euro. Les « spreads » vont augmenter partout, pour l’Italie, l’Espagne :
l’effet de contagion risque d’être insupportable
Oui,
mais l’Allemagne elle-même n’est pas totalement protégée, car avec une
croissance proche de 0, elle ne pourra pas payer sa dette, si cette
dette est contractée à 2%. Elle est donc aussi en situation de potentiel
défaut de paiement.
Il faut que Madame Merkel
fasse quelque chose. D’ailleurs, elle commence à faire des choses
qu’elle disait qu’elle ne ferait jamais. Elle vient d’accorder 6%
d’augmentation de salaire à ses fonctionnaires. Maintenant, le secteur
privé et la métallurgie se révoltent aussi et réclament la même
augmentation. Lorsqu’un pays est excédentaire, comme c’est le cas de
l‘Allemagne, il faut en profiter pour relancer la consommation, le
contraire de l’austérité. Les commerçants et les industriels allemands
protestent : « Nous avons les moyens, pourquoi rester dans
l’austérité ? ».
Oui.
Et maintenant il y a des propositions de l’Italie et de la France pour
un changement de politique européenne dans le sens de la croissance. La
Grèce devrait profiter de ce changement-là.
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