dimanche 27 mai 2012
Le changement est-il vraiment pour maintenant ? Paradoxes de lendemains d'élection...
Un président socialiste européen
convaincu, élu dans une France dont l'opinion s'est déplacée sur la
droite ; un gouvernement formé d'habitués de ces clubs et autres dîners
symbole de l'oligarchie mondiale... Avec François Hollande,
paradoxalement, le changement n'est pas vraiment voyant.
Trois paradoxes hypothèquent d’emblée le quinquennat de François Hollande.
Le premier est que le président socialiste doit, de manière étonnante, son succès à un glissement à droite de l’opinion.
Une analyse serrée des chiffres montre que la droite a progressé au
premier tour de 45,29 % en 2007 à 47,12 % en 2012 (la droite,
c’est-à-dire en 2007, Sarkozy, Le Pen (père) Villiers et Nihous (chasse
pêche) et en 2012, Sarkozy, Le Pen (fille), Dupont-Aignan). La gauche a,
il est vrai, elle aussi, grimpé de 36, 44 % à 43, 75 %, mais surtout au
dépens de François Bayrou auquel la méfiance de l’appareil socialiste
envers Ségolène Royal avait permis de bénéficier en 2007 d’un volant de
voix de gauche. La poussée de la droite est encore plus nette si on la
pondère par la radicalité : le Front national est passé de 10,44 % à
17,90 %. L‘extrême gauche (à laquelle on peut assimiler les Verts)
seulement de 11,38 % à 15,12 % : moins qu’il n’a progressé, ce vote
s’est concentré sur Mélenchon.
De manière notoire,
la cause principale de la défaite de Sarkozy, beaucoup moins ample que
prévue au demeurant, est la désaffection d’une partie des électeurs du
Front national au second tour. Or ce que cet électorat a reproché à
Sarkozy, ce n’est pas sa droitisation, au contraire. Virage à droite de
l’opinion, basculement à gauche du gouvernement, ce sont les surprises
de la démocratie qui s’apparente parfois au jeu de billard.
L’explication principale de ce paradoxe est, on le sait, le rejet de la
personnalité de Nicolas Sarkozy par une majorité des Français même de
ceux qui ont quand-même voté pour lui in fine. Qu’importe la raison : c’est
une situation que François Hollande devra prendre en compte, et cela
d’autant plus que le glissement à droite (confirmé par les sondages
thématiques) porte non pas sur l’économique et le social mais sur les
aspects les plus clivants du programme socialiste : identité nationale
et questions de société.
Le
second paradoxe est que rarement un gouvernement aura été, autant que le
premier gouvernement Hollande, l’expression de l’oligarchie nationale
et internationale qui, de fait, dirige depuis longtemps le pays : pas
moins de cinq participants réguliers au Cercle Bilderberg, autant de
membres de la French-American Foundation, au moins dix membres du Siècle
! Sans compter le Cercle de l’industrie. Ces gens ne sortent
pas de l’ombre : de fait, ils étaient déjà au pouvoir, le vrai, celui
qui, en symbiose étroite avec les médias, inspire la plupart des grandes
réformes depuis vingt ans : celles de Sarkozy furent préparées par
Jacques Attali et d’autres dont Luc Ferry, membres des mêmes clubs et
d’ailleurs ralliés à Hollande. Ce n’est à l’évidence pas d’un tel
gouvernement qu’il faut attendre une remise en cause du capitalisme
global.
Cette interpénétration de la haute gauche
dont est issu le gouvernement et des cercles les plus influents de
l’oligarchie a des effets positifs. Comme ces cercles ne recrutent pas
n’importe qui, les nouveau ministres, pris un à un, paraissent presque
tous plus qualifiés que leurs prédécesseurs : nous n’aurons pas la
cruauté de citer des noms, seulement une exception : Bruno Le Maire,
sans doute le meilleur ministre du gouvernement Sarkozy. Nous ferons
aussi une réserve : dans un climat idéologique, l’adhésion à la pensée
unique surqualifie. On mesurera un jour à quel point ce qui a
discrédité le dernier gouvernement Sarkozy, ce n’est pas d’avoir été
trop à droite ou trop à gauche, c’est son incompétence, inséparable
d’ailleurs de sa dépendance intellectuelle par rapport aux cercles dont
nous parlons, lesquels sont désormais au pouvoir, si l’on peut dire,
sans truchement.
Mais cette collusion a aussi son revers, et pas le
moindre : les officines en question sont les temples où s’élaborent ou à
tout le moins se diffusent les idéologies qui inspirent la plupart des
réformes de droite ou de gauche depuis vingt ans. Or sur à peu près tous
les sujets, ces réformes suscitent l’incompréhension, l’exaspération et
, n’hésitons pas à le dire, la sécession du peuple français :
politique d’assistance aveugle, gestion libérale des services publics,
politique économique sacrifiant l’emploi à la monnaie , enseignement
livré aux idéologies pédagogistes, administration territoriale toujours
plus complexe, réforme coûteuse de l’Etat. Tributaire de la même
inspiration, Sarkozy a payé le prix de l’impopularité de ces réformes,
presque toutes contestables. Mais les Français ne tarderont pas à s’en
apercevoir : s’étant vengés sur la copie, ils ont désormais l’original
!
Par derrière ces réformes, les modèles anglo-saxons et naturellement le dogme européen, également rejetés par le peuple.
L’Europe, nous y voilà : c’est le troisième paradoxe.
François Hollande est un « bébé-Delors ». Moins encore que Sarkozy, il
n ‘a remis en cause dans sa campagne le dogme de la construction
européenne. Pas davantage celui de la monnaie unique, au nom duquel la
croissance européenne est, de plan de rigueur en plan de rigueur, bridée
d’une manière qui commence à inquiéter le reste du monde et précipite
le déclin du vieux continent.
Or, au
point où nous en sommes, personne ne doit se faire d’illusions : ce
président archi-européiste sera, qu’il le veuille ou non, celui qui
devra gérer la fin de l’euro. Y a-t-il pensé ? Qu’a-t-il prévu face à
cette échéance ? Qu’a prévu l’oligarchie d’où est issu son gouvernement
et qui a, au fil des ans, fondé toute sa crédibilité sur la réussite de
la monnaie unique, au point d’interdire tout débat sur ce sujet ?
Un
gouvernement de gauche dans une France qui vire à droite, une émanation
directe de l’oligarchie dont le peuple rejette plus que jamais
l’idéologie et les politiques qui s’en inspirent, une crise européenne
de première magnitude en perspective. L’euphorie des tous premiers
commencements ne saurait nous voiler la face sur l’impasse dramatique
dans laquelle la France se trouve François Hollande, et la France avec
lui.
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