dimanche 6 mai 2012
Ces rédactions des journaux, si peu représentatives de la diversité politique du pays
Benjamin Dormann a enquêté plus de deux
ans dans l'envers du décor de la presse française. De ce voyage
instructif, il rapporte " Ils ont acheté la presse", ouvrage qui dévoile
les relations ambiguës qu'entretient la presse avec le pouvoir.
Martine Aubry et Ségolène Royal furent
candidates aux primaires ; Marine Le Pen, Eva Joly (représentant le
parti dirigé par Cécile Duflot), Nathalie Arthaud (pour Lutte ouvrière)…
toutes candidates en 2012 ; jamais une élection présidentielle n’aura
réuni autant de femmes.
Bien qu’on puisse s’en
féliciter, cette diversité des candidatures ne doit pas faire illusion.
D’un point de vue idéologique, le choix proposé en 2012 n’a jamais été
aussi pauvre : le véritable libéralisme est aujourd’hui inexistant en
France, caricaturé ; le communisme est en voie de disparition,
ringardisé ; le nationalisme est privé de représentation parlementaire
depuis des décennies malgré sa présence au second tour d’une élection
présidentielle, médiatiquement honni ; l’écologie oscille entre volonté
d’être un modèle politique global et autonome de société ou
l’acceptation d’un ralliement politique et financier négocié, devenant
une simple force d’appoint thématique d’un Parti socialiste hégémonique ;
quant au reste de la gauche alternative, elle demeure engluée dans des
querelles de microcourants, malgré la tentative d’unification menée par
Jean-Luc Mélenchon, ne partageant plus que leur éternelle attente
révolutionnaire du « grand soir »…
Bref,
le social-libéralisme politiquement ultra-dominant a de beaux jours
devant lui, malgré la crise qui secoue le monde, et particulièrement
dans les rédactions des journaux, peu représentatives de la diversité
politique du pays. Qu’il se dise de droite ou bien de gauche,
ce modèle social libéral repose sur une croyance fondamentale résumée
par Dominique Strauss-Kahn, peu de temps encore avant ses ennuis «
privés » : « La priorité numéro un aujourd’hui, c’est le retour à la
croissance… ce qui n’est pas consommé ralentit d’autant la reprise[1]
» et sa définition du meilleur chef de l’état possible, comme pour tant
d’autres, se résume ainsi : « ultra-simple : c’est celui qui ramènera
la croissance, seule capable de faire baisser le chômage et de ranimer
la flamme du pouvoir d’achat[2]
». Une relance de la consommation que chacun de ses leaders politiques
est convaincu de savoir encourager mieux que son concurrent politique,
le voisin, par le biais d’interventions étatiques supposées « réguler »
et « adoucir » une mondialisation parfois cruelle.
La
réalité a montré le relatif artifice de ces prétendus distinguos, et
révélé les limites de ce monde qui croit fondamentalement que son
bien-être dépend avant tout du niveau d’explosion de la consommation de
milliards de Chinois, d’Indiens et de Brésiliens. Au final, tous ces «
Diafoirus du “retour à la croissance” n’ont pas encore compris que la
question n’est pas de leur ressort. La civilisation matérielle étouffe
de ses excès, c’est un problème anthropologique.[3] » C’est sur ce point précis qu’une nouvelle réponse politique d’avenir reste à inventer et à proposer.
Pour
y parvenir, il est grand temps que la presse d’opposition dépasse son
antisarkozysme et arrête de se mettre au service de la communication
personnelle de quelques vedettes médiatiques du Parti socialiste.
Grand temps qu’elle relate ou organise enfin de vrais débats publics
sérieux et contradictoires, sur les différents modèles de société
possibles, loin de leurs caricatures respectives. De tels débats
redoreraient le blason de cette profession qui le mérite, et
permettraient aux citoyens de renouer avec notre culture héritée des
Lumières et de la méthode cartésienne : que chacun rassemble des
informations, doute puis se fasse sa propre opinion, plutôt que de se
laisser matraquer d’images et de slogans imposés par la société du
spectacle. Ces débats variés ont commencé sur Internet, tant sur
certains sites que dans les forums des internautes, et sont souvent
enrichissants, à défaut d’être consensuels. Il est temps d’encourager
fiscalement, politiquement et médiatiquement ceux qui leur donnent vie
sur la toile et ailleurs, plutôt que de continuer à laisser
l’information majoritairement entre les mains de ceux qui, bien qu’ayant
aujourd’hui perdu toute légitimité pour préparer l’avenir et refusant
de l’admettre, veulent aujourd’hui continuer à façonner nos esprits.
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