TOUT EST DIT

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jeudi 19 avril 2012

Le dernier col


La campagne du second tour a commencé avec huit jours d’avance sur le scrutin : le 15 avril, place de la Concorde et sur l’esplanade du château de Vincennes. Ici, la France tricolore de Sarkozy, là, celle, bigarrée, de Hollande. Mais ce ne fut que le prologue ; la vraie campagne va démarrer ce dimanche soir à 20 heures, au vu des résultats.
Quelque soit son score, François Hollande jouera tout en modestie et en rondeur, chemise blanche et cravate bleue, avec les apparences du président de la République qu’il est dans les médias quasi depuis son succès à la primaire socialiste. D’autant plus modeste qu’il est assuré de ses ralliements. Les ralliés vont défiler sur les plateaux de télévision pour annoncer leur choix du second tour. Jean-Luc Mélenchon d’abord, avec sa cravate rouge, qui, tout en jugeant le programme de François Hollande incompatible avec le sien, nous expliquera que la priorité est de battre Sarkozy. Puis Eva Joly, qui a vainement cherché une ouverture entre ce qu’elle appelle la « gauche molle » (Hollande) et la « gauche folle » (Mélenchon) et qui n’aura d’autre but que de sauver des sièges pour les Verts aux législatives : elle choisira la « gauche molle ». Restent Arthaud et Poutou, rescapés du trotskisme canal historique. Eux aussi ont brocardé Hollande, « politicien professionnel » soumis aux « pressions du grand patronat », mais ils prononceront les mots convenus : « se débarrasser » du président actuel, « le dégager ». Il ne manquera que les leaders syndicaux pour ajouter leur voix. Le peuple de gauche sera en marche.
Et du côté de Nicolas Sarkozy ? Ceux qui pouvaient le rallier, les Borloo, Morin, Boutin, Nihous, l’ont fait avant le premier tour en renonçant à leur candidature. Il n’y en aura plus que trois à n’être pas dans le camp de la gauche. Nicolas Dupont-Aignan, qui a qualifié les deux finalistes de « charlatans », aura du mal à appeler à voter pour l’un d’eux (« je ne suis pas propriétaire de mes voix », prévient-il), mais il aura tout de même besoin des voix de l’un des “charlatans” pour sa propre réélection comme député. Marine Le Pen, la candidate qui se veut hors système, aura elle aussi fait campagne contre « les frères siamois de la présidentielle » ; en 2007, son père, qui avait perdu au premier tour 1 million de voix au profit de Sarkozy, avait appelé ses 4 millions d’électeurs restés fidèles à s’abstenir au second – ils filèrent chez Sarkozy quand même. Mais cette fois, quelle sera l’autorité de Marine Le Pen par rapport à celle de son père ?
François Bayrou, enfin, le troisième homme il y a cinq ans, promis à n’être plus que le cinquième ce dimanche… Entre les deux tours de 2007, il avait hésité à rallier Royal, il avait débattu avec elle devant les caméras pour faire durer le suspense et n’avait pas donné de consigne de vote. Peut-il continuer de ne pas choisir ? Lui qui voyait enfin son tour venu sera un homme blessé, imprévisible. Peut-il rester encore à l’écart, après quinze années passées hors du pouvoir, avec l’ambition qui est la sienne ? Philippe Douste-Blazy, qui l’a rejoint, choisira avant lui – mais avec quelle influence ?
Une fois de plus, Nicolas Sarkozy sera seul. Seul en face de François Hollande jusqu’au bout. Le jour de Pâques, il s’était rendu dans la propriété de son épouse, au cap Nègre, pour un moment de détente. Il a eu besoin de se dépenser autrement que de meeting en meeting. Il a pris son vélo. C’est un admirateur de Lance Armstrong, l’Américain sept fois vainqueur du Tour de France, après avoir vaincu à 25 ans le cancer qui promettait d’être irrémédiable. Quand Sarkozy prend son vélo, son coeur bat à 51 pulsations par minute, en plein effort, il peut monter jusqu’à 152. Armstrong avait plus de puissance encore. Sarkozy a décidé de franchir les cols du massif des Maures un par un, du facile au plus dur. Sur les pentes du Babaou, 21 kilomètres : « J’avais cinq caméras de télévision et quinze photographes autour de moi. » Ils accompagnaient la course tout en guettant la panne ou la chute. « Je passais de col en col ; je ne pouvais pas m’arrêter. » Cette course est à l’image du personnage, résistant, obstiné, il ne s’arrêtera pas. Même si c’est dur. Et ce le sera.
Si François Hollande, grâce à la dispersion des voix à droite face à la concentration à gauche, est finalement élu le 6 mai, il faudra s’attendre à une vague socialiste aux élections législatives ; elle emportera les deux tours, les 10 et 17 juin. D’autant que les triangulaires avec le Front national se multiplieront au détriment de la droite. Les Français se réveilleront alors en ayant confié à la gauche tous les pouvoirs, exécutif, législatif, judiciaire, mais aussi les pouvoirs d’influence, comme la droite ne les a jamais eus. Les fameux “État RPR” ou “État UMP” apparaîtront comme une aimable plaisanterie.

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