dimanche 29 avril 2012
12 propositions pour réformer le syndicalisme français
Anne‐Sophie David et Benoît Broignard
ont mené une enquête pour révéler les forces et les faiblesses du
syndicalisme à la française. "Syndicats Filous" délivre un constat qui
brise l’omerta et dresse le tableau d'un véritable "business du
syndicalisme" (Extrait 1/2).
1 - L’obligation
de certification et de publication des comptes consolidés comprenant la
totalité des entités de chaque organisation syndicale. Au-delà
de la confédération (qui seule a l'obligation de publier ses comptes
depuis 2011), chaque organisation syndicale devrait publier ses comptes
consolidés, en y intégrant toutes ses entités (il en existe entre 5 000
et 20 000 différentes par syndicat). Il s'agit ici de l'unique manière
de disposer d'une vision transparente, intégrale et honnête de l'état
des lieux de chaque organisation syndicale.
2 - L'obligation
pour les organismes de formation professionnelle de rationaliser leur
nombre et de produire et publier des comptes consolidés. L'objectif
est tout d'abord de réduire drastiquement le nombre d'OPCA. Puis
d'exiger une transparence totale sur les comptes et les organismes de
formation professionnelle
3 -
L'obligation, pour les syndicats comme pour les comités d’entreprise, de
transparence sur leurs achats et sur le recours à des prestataires
extérieurs. Cette obligation de transparence doit s'appliquer
aux services "achats" des syndicats et des CE, lorsqu'ils passent
régulièrement des contrats auprès d’un même sous-traitant, ou lorsque le
montant des contrats atteint des montants excédant certains seuils. Un
contrôle renforcé pourrait alors être mis en place, avec par exemple la
désignation d’un tiers de confiance (qui pourrait être constitué par les
services déconcentrés du ministère du Travail) pour exiger de la part
des gestionnaires des syndicats et des CE la production des documents
comptables et des justificatifs.
4 - La mise en place et la publication d'un "jaune budgétaire". Ce
document viserait à présenter et synthétiser l'ensemble des
financements et dépenses réalisées par l'Etat envers les syndicats.
Conduit par une commission mixte de députés, le « jaune budgétaire »
récapitulerait les moyens financiers, matériels et humains mis à
disposition des organisations syndicales, et de l’activité syndicale,
par l’État. Il pourrait s'étendre à la formation professionnelle et à la
gestion des organisations paritaires.
5
- Mettre fin aux mises à disposition de personnels, de locaux et de
matériels de la part de l'Etat, des collectivités locales et des
entreprises. Chaque centrale syndicale paierait donc elle-même
ses salariés. C'est ce qui se pratique dans les pays étrangers,
notamment aux Etats-Unis et en Suède. Cette réforme empêcherait les
pratiques douteuses, qui ne peuvent que nuire à l’indépendance et au
fonctionnement des organisations. [...]
6 - Les mises à disposition doivent uniquement concerner la gestion des organismes paritaires. Les
syndicats formant la pierre angulaire de l'organisation sociale
française, la gestion des organismes paritaires est l'une de leur
vocation essentielle. Afin de leur donner les moyens nécessaires à la
bonne conduite de leur mission, des mises à disposition de personnels
doivent être possibles, de manière strictement encadrée, contrôlée et
rendues publique.[...]
7 - Les
organisations syndicales ne doivent pas percevoir plus de 50 % de
financements par des sources publiques ou paritaires, de manière directe
(subventions) ou indirect (en nature). Aujourd’hui, les
syndicats sont financés à plus de 80% par des fonds publics. Or un
syndicat qui dépend des employeurs – tant public que privé – ne peut
être crédible car il devient, de fait, un rouage au service soit du
patronat, soit de l’Etat. Il en va donc de leur indépendance mais aussi
de la légitimité de leurs actions.[...]
8
- Étendre la représentativité des syndicats aux intérimaires,
stagiaires, ainsi qu'à tous les personnels intervenant dans les
entreprises. Seuls les salariés en CDI ou CDD sont aujourd'hui
réellement représentés par les grandes organisations syndicales. Sur un
marché de l'emploi de plus en plus précarisé, cela exclut près de 1,5
millions de stagiaires et 2 millions d'actifs en intérim. Cette mesure
permettrait d'une part à ces travailleurs de voir défendus par un
syndicat, et d'autre part aux syndicats d'enregistrer de nouvelles
adhésions, et donc de renforcer leur indépendance financière.
9 - Étendre la mission des syndicats à la fourniture de services.
Comme nous l'avons constaté, le syndicalisme fondé sur un modèle
uniquement revendicatif a vécu. En témoigne le petit nombre d'adhérents,
soit 8%. Pour survivre et se développer au XXIème siècle, les
organisations syndicales sont dans l'obligation de proposer autre chose
que des manifestations. Comme en Suède, en Allemagne ou aux Etats-Unis,
les syndicats doivent pouvoir offrir à leurs adhérents des "avantages",
ou "services" : formations, assurances chômage, reconversions, etc.
Cette réforme, impliquant une profonde mutation de leur rôle,
renforcerait leur attractivité, les replaceraient au cœur des enjeux de
l'emploi, et ferait bondir le nombre d'adhérents en attirant de nouveaux
salariés puis en les fidélisant.
10 - Des syndicats impliqués dans la gouvernance des entreprises au travers de la cogestion.
Les syndicats doivent être associés de manière beaucoup plus proche à
la gestion et à la stratégie des entreprises. Emploi, sites de
production, marchés, stratégie...les salariés et leurs élus doivent
pouvoir disposer d'un droit de regard (allant jusqu'à un véto) sur les
décisions majeures prises par les directions de leurs entreprises. D'une
part pour renforcer leur compréhension des enjeux, d'autre part pour
désamorcer les potentiels conflits sociaux en amont, évitant ainsi de
nombreuses grèves.[...]
11 - Limiter le nombre de mandats d'élu syndical. L'objectif
est ici d'éviter que ne se reforme une "aristocratie syndicale". [...]
Limiter, par exemple à deux mandats maximum, le nombre de fois où l'on
peut être élu représentant syndical empêcherait en partie ces dérives.
Cette réforme obligerait en effet un renouvellement sain et régulier des
élus. Elle vise également à pousser un plus grand de nombre de salarié à
s'impliquer dans la vie syndicale, à assumer des fonctions d'élu, et à
enrichir ainsi leur expérience.
12 - Syndiquons-nous !
Ces réformes, certes indispensables, ne suffirons probablement pas à
régler tous les problèmes auxquels sont confrontés les syndicats.
Néanmoins, si demain la machine syndicale repart sur des bases assainies
et si le nombre de salariés syndiqués augmente sensiblement, le
dialogue social français en ressortira largement renforcé.
Alors, oui, « syndiquons-nous ! »
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