TOUT EST DIT

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dimanche 29 avril 2012

Antisarkozysme : la presse de gauche cherche-t-elle à créer une guerre civile ?

Nicolas Sarkozy a récemment fait la Une de certains hebdomadaires et quotidiens de gauche. L'Humanité le compare à Pétain tandis que Marianne le qualifie de "honte" de la Ve République. Pourquoi la presse de gauche fait-elle montre d'un antisarkozysme primaire ?
« La honte de la Ve République » : Marianne adresse cette semaine ce compliment à Nicolas Sarkozy, après que l’Humanité ait mis en parallèle la photo de celui-ci et celle du maréchal Pétain. La presse de gauche termine donc le quinquennat comme elle l’avait commencé, dans l’antisarkozysme primaire, bête et méchant, pour ne pas dire haineux. Après avoir été traité de voyou, de psychopathe et de candidat des riches, Nicolas Sarkozy reçoit pour finir l’injure suprême, puisqu’il se voit aujourd’hui qualifié de « pétainiste ».
La « honte de la Ve République », ce ne serait donc pas le président qui fit entrer l’extrême-droite au Parlement pour masquer une déroute électorale, l’homme qui reçut dans sa jeunesse la francisque des mains du maréchal et qui déjeunait amicalement avec l’organisateur de la rafle du Vel d’Hiv. Ce président-là est au contraire glorifié en tant que petit père du peuple de gauche, celui qui a ouvert le chemin et sans lequel  la victoire qui s’annonce n’aurait pu avoir lieu.
Le Monde a raison d’écrire en titre de son éditorial du 26 avril que « la fin ne justifie pas tous les moyens ». La leçon ne devrait toutefois pas s’appliquer qu’aux politiques. Que la presse d’opinion prenne fait et cause pour un candidat, argumente et polémique en vue de lui faire obtenir la victoire, est parfaitement légitime. L’engagement est une chose - qui peut ne pas être incompatible avec l’objectivité et l’honnêteté intellectuelle-, la volonté hystérique de disqualifier moralement un adversaire politique en est une autre.
L’atmosphère de guerre civile générée par cette hystérie paraît pourtant bien incongrue au vu des projets, dans la mesure où jamais dans l’histoire de la Ve République les candidats de la droite et  de la gauche n’ont semblé aussi proches. L’un et l’autre s’accordent sur la nécessité de trouver un équilibre entre rigueur budgétaire et croissance dans le cadre d’un gouvernement économique européen renforcé, et ne se distinguent véritablement que sur la question de la fiscalité. Les divergences rhétoriques s’expliquent essentiellement par les calculs électoraux, en fonction des clientèles ciblées par chacun des deux camps.
La difficulté à différencier les projets dans un contexte mouvant et complexe explique sans doute cette emprise du moralisme pour lequel, il faut bien le dire, la presse de gauche semble avoir des dispositions particulières. Le paradoxe est qu’à travers le reproche fait à Nicolas Sarkozy de diviser les Français, celle-ci ostracise des millions de nos concitoyens. Comment les 9,75 millions d’électeurs dont le suffrage s’est porté sur Nicolas Sarkozy ne partageraient-ils pas quelque peu le déshonneur de leur favori. Et que dire des 6,4 millions d’électeurs de Marine Le Pen qui constituent le cœur du réacteur « pétainiste » ! Cela fait plus de 16 millions de Français qui vivent et pensent dans le déshonneur, et qu’il faudra décontaminer après la « Libération » du 6 mai !

A la vérité, le cynisme et la démagogie sont équitablement partagés et la morale ne permet pas de différencier les candidats. Pour preuve leur attitude après la censure par le Conseil constitutionnel de la loi réprimant la contestation du génocide arménien : l’un et l’autre ont immédiatement promis de s’asseoir sur l’avis du conseil, et par là-même sur le principe de la liberté d’expression que celui-ci visait à défendre. Intérêt électoral oblige.
Ce n’est pas du point de vue moral que l’on peut critiquer la stratégie électorale « droitière » de Nicolas Sarkozy. Celle-ci pose en revanche le problème de la lisibilité politique du candidat. Il lui est difficile, quand bien même il le souhaiterait, d’effacer l’abîme qui sépare son action du programme du Front national. Il a par exemple défendu la mise en place, à travers le pacte budgétaire, d’une esquisse de gouvernement économique supranational destiné à sauver la zone euro : on voit mal comment une telle orientation pourrait être compatible avec le souverainisme de Marine Le Pen. La campagne de Nicolas Sarkozy donne le sentiment que les considérations tactiques interdisent au candidat d’expliciter le sens de l’action conduite par le président. Au fond, Nicolas Sarkozy serait moins un candidat « clivant » qu’un candidat « clivé », peinant à assumer ses choix, à justifier son bilan et à faire émerger une cohérence.


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