jeudi 15 mars 2012
Le « gourou » de Nicolas Sarkozy décortique les sondages
Patrick Buisson est en quelque sorte le cerveau droit de Nicolas
Sarkozy. Celui que certains surnomment avec malveillance, envie ou
dédain le « gourou » du président de la République se livrait dans Le Monde daté de mercredi à une dissection anatomique des sondages concernant l’élection présidentielle. Quand la presse de gauche évoque Patrick Buisson elle ne manque
jamais de rappeler qu’il est « issu de la droite maurrassienne ». Son
père était un militant d’Action française et sa mère, fervente
catholique, une anti-communiste affirmée. Etudiant en histoire en pleine
période du gauchisme universitaire triomphant, le futur « gourou »
devient vice-président de la Fédération nationale des étudiants de
France (Fnef) de 1967 à 1972, au moment le plus chaud de l’éruption
volcanique de Mai 68 et de ses débordements. Cette Fnef où se côtoyèrent
Marie-France Stirbois, Alain Sanders, Bernard Lugan, Didier Gallot,
futur juge d’instruction, Pierre Beylot, l’un des actuels rédacteurs en
chefs du Point et beaucoup d’autres encore… Professeur
d’histoire, Patrick Buisson quittera vite l’enseignement pour s’orienter
vers une carrière de journaliste qui le conduira successivement dans
les instances dirigeantes de Minute puis de Valeurs Actuelles.
« Observateur engagé, impliqué, virulent, il use de sa plume comme
d’une arme pour lutter contre les socialo-communistes qui viennent
d’accéder au pouvoir dans les bagages de François Mitterrand. » Les
temps ont changé… Démobilisé, le soldat du combat national est devenu
mercenaire…
Le journalisme, disait-on jadis, mène à tout à condition d’en
sortir. Patrick Buisson en est sorti par le haut : « Directeur de la
chaîne Histoire (filiale de TF1) et de la société de conseil
Publifact », ce journaliste recyclé en politologue fait aujourd’hui
partie « de l’équipe resserrée que le candidat Sarkozy réunit chaque
soir à l’Elysée ». L’ancien rédacteur en chef de Minute étant, en
matière de stratégie électorale, l’un des conseillers les plus écoutés
du président sortant. Et pour cause : c’est lui qui, en 2007, a permis
au candidat de l’UMP de « siphonner » les voix du Front national. « Des gens ont donné la clé du coffre pour accéder à nos électeurs »,
dira de lui à l’époque Marine Le Pen, désignant sans le nommer celui
qui fut un ami de son père. Des proches de Jean-Marie Le Pen se
souviennent : « C’est vrai qu’on le voyait beaucoup à l’époque. C’est
étrange, mais depuis qu’il est à l’Elysée, il a perdu la mémoire, il ne
nous connaît plus. » Un phénomène d’amnésie commun à beaucoup de transfuges.
Un homme d’influence
« En cinq ans, ce conseiller de l’ombre c’est imposé comme l’un des
hommes les plus influents dans l’entourage du chef de l’Etat. A eux deux ils tentent aujourd’hui un remake de la campagne de 2007 », dont Patrick Buisson fut l’un des artisans. « C’est à Patrick que je dois d’avoir été élu »,
reconnaîtra publiquement Nicolas Sarkozy, peu de temps après son entrée
à l’Elysée. A Patrick et aux voix des électeurs nationaux sur
lesquelles ce dernier lui a permis de faire main basse…
Malgré les projections qui donnent depuis plusieurs mois le candidat
socialiste vainqueur avec des scores de huit à dix points d’avance,
Patrick Buisson demeure optimiste sur les chances de son champion de
l’emporter. Parce que, constate-t-il dans le marc de café des sondages,
50 % des électeurs de Marine Le Pen déclarent qu’ils s’abstiendront pour
le second tour dans l’hypothèse d’un duel Sarkozy-Hollande. Environ
« un tiers de l’électorat de François Bayrou est dans le même cas ».
Mais les apparences sont trompeuses : « L’avantage du candidat
socialiste est donc construit sur un scénario qui verrait 4 à 5 millions
d’électeurs du premier tour ne pas aller voter au second. Autrement dit
sur du sable. Depuis 1965 il n’y a pas eu un scrutin où la participation au second tour n’a pas été supérieure à celle du premier. » Il en est persuadé : « La plupart de ceux qui disent ne pas vouloir choisir iront voter le 6 mai. Et les réserves sont ici plutôt du côté de Nicolas Sarkozy que de François Hollande. »
Le « gourou » élyséen use dans cet entretien d’une image souvent
employée par le Président pour qualifier les sondages, sans doute parce
qu’elle relève de l’évidence. Mais là c’est un expert qui confirme notre
jugement : « Les sondages ne sont que des instantanés qui donnent l’illusion du réel. En peinture cela s’appelle un trompe-l’œil. »
Pour le politologue averti qu’est Patrick Buisson, le niveau des
intentions de vote pour François Hollande au premier tour se situe en
fait « au même niveau que celui de Ségolène Royal en 2007 ». Avec le
dynamisme en moins. Thomas Hollande, fils aîné de François et de
Ségolène, le constatait lui-même mardi dernier : « La campagne de mon
père ne suscite pas la même ferveur, le même enthousiasme que celle de
maman.» Papa est aussi beaucoup moins photogénique…
« Droitisations »… Quelle droitisation ?
Patrick Buisson réfute le terme de « droitisation » employé par la
presse pour désigner (et stigmatiser) les discours du candidat Sarkozy.
Il y voit, sans doute à raison, un signe « de la confusion qui s’est
emparée de certains esprits ». Une confusion qui fait taxer de dérive
droitière toute tentative de prendre en compte « la souffrance sociale
des Français les plus exposés et les plus vulnérables » par un parti
socialiste devenu « l’expression des nouvelles classes dominantes ».
L’analyse est juste. Mais comme en 2007 elle ne fait qu’habiller un
discours trompeur dont la finalité est de « siphonner » à nouveau un
maximum de voix au Front national. Une fois de plus, en suggérant à
Nicolas Sarkozy de se positionner en candidat d’une Europe des
frontières, en lui insufflant le triptyque travail, responsabilité, autorité,
et en l’incitant à dire non au mariage gay et à l’euthanasie, Patrick
Buisson essaie de forger une clé permettant au président sortant
« d’accéder » au coffre électoral du FN pour le dévaliser. Face à un
Nicolas Sarkozy qui, relooké par son éminence grise, prétend désormais
prendre en compte « les préoccupations populaires », les voix pour
Marine Le Pen ne formerait plus, selon Patrick Buisson, « un vote de protestation mais un vote d’immolation ».
Ne perdez pas votre temps à voter Le Pen, je vous propose le même
article en beaucoup mieux. Notre contrefacteur ne manque pas d’aplomb.
Il veut faire prendre en compte par Nicolas Sarkozy les « préoccupations
populaires » pour mieux les laisser tomber ensuite…
Voter Marine Le Pen, n’en déplaise à M. Buisson, c’est assumer un
vote de conviction, d’adhésion à un projet politique, un vote de
confiance pour la réalisation d’idées que le conseiller opinion de
Nicolas Sarkozy voudrait, lui, récupérer dans la seule intention de les
travestir, de les falsifier, avant de les sacrifier de nouveau sur
l’autel de l’électoralisme le plus cynique… Voter Marine Le Pen c’est
d’abord voter contre les faussaires.
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