Néanmoins, la France a bien raison de se préoccuper de ses finances publiques. La situation budgétaire commence à devenir inquiétante, en particulier en la comparant avec les chiffres en Allemagne. Selon les calculs récents de la Commission européenne, la France affiche cette année un taux de dépenses publiques de 56 % du PIB, 10 points de plus que l'Allemagne et bien supérieur aux chiffres de tous les autres pays de l'UE. Plus de la moitié du PIB est absorbée par l'État. Les recettes d'État atteindront 50 % du PIB par rapport à 43 % en Allemagne. À ce niveau-là, une solution pour redresser le déficit budgétaire de 6 % du PIB en 2011 - en Allemagne 2 % - ne peut être trouvée que dans le domaine des dépenses. Depuis trente ans, la France n'a plus affiché un budget équilibré. Le besoin urgent d'agir dans le domaine des dépenses pour s'aligner sur l'Allemagne est évident, d'autant que la Banque centrale européenne prévoit une montée de la dette publique en France à 95 % du PIB l'an prochain et un recul à 75 % du PIB en Allemagne. Par contre, le président Sarkozy et son gouvernement ont visé un autre théâtre de guerre insignifiant pour l'assainissement des finances publiques, c'est-à-dire d'harmoniser la fiscalité entre les deux pays.
Or, ce qui est très urgent, c'est une convergence budgétaire entre la France et l'Allemagne, une convergence des dépenses. Le solde budgétaire primaire, qui se définit comme le solde budgétaire net des paiements d'intérêts, est une clé déterminante de la dynamique de la dette publique. Sa stabilisation et son abaissement nécessitent un excédent primaire suffisamment important dans l'hypothèse classique que le taux d'intérêt nominal sur l'encours de la dette est supérieur au taux de croissance nominal. Selon les calculs récents de la Commission européenne, la France affiche pour cette année un solde négatif de 3 % du PIB et de 2,5 % en 2012 tandis qu'il est inférieur voire positif en Italie, au Portugal et même en Grèce et, en particulier, en Allemagne. La conséquence d'un solde négatif est que les intérêts sur la dette publique sont financés par des nouvelles dettes et les recettes d'État ne sont pas suffisantes pour payer toutes les dépenses courantes. Même corrigé du cycle, le solde primaire en France reste négatif tandis qu'il est largement positif en Italie, au Portugal, en Grèce et en Allemagne, ce qui déploie le déficit structurel de 4 % du PIB des finances publiques en France depuis des années, même avant l'éclatement de la crise financière.
Ce n'est pas à l'Allemagne de donner des conseils au gouvernement français dans quels domaines il devrait commencer à couper les dépenses. La réponse existe déjà en France dans une étude récente de l'Institut Thomas More et de l'Institut de la recherche économique et financière. Si l'on veut que les deux pays continuent à jouer le moteur de l'intégration européenne, l'Allemagne a besoin d'un partenaire solvable. C'est au couple franco-allemand d'assumer une plus grande responsabilité pour l'Europe que par le passé. Si les agences de notation et les marchés financiers commencent à s'inquiéter de la stabilité des finances publiques en France, les nouveaux dispositifs de soutien financier risquent de devenir obsolètes, étant donné que l'Allemagne ne sera ni prête ni en mesure de remplacer la France comme financier majeur ni de jouer le rôle de maître payeur pour toute l'Europe. En fin de compte, même l'existence de l'Union monétaire européenne sera mise en péril. Finalement, il faut admettre que personne ne connaît l'avenir et on peut conclure avec une citation de Mark Twain, l'écrivain et humoriste américain : « Il faut être très prudent avec des prévisions surtout si elles concernent l'avenir. »
(*) Économiste et ancien directeur des affaires économiques et financières européennes au ministère fédéral des Finances allemand, membre du Conseil d'analyse économique et financière franco-allemand et auteur de la note Fondapol « le Tandem franco-allemand face à la crise de l'euro ».
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire