jeudi 18 août 2011
Mettre en doute... la défiance
L'économie mondiale vient de connaître une quinzaine de folie, avec des Bourses en proie aux rumeurs, anticipant les effets de leur propre panique. Le décalage flagrant entre le temps des marchés et celui de la politique démocratique devenait un trou noir, qui transformait en catastrophe toutes les déclarations par lesquelles les gouvernants ou les banques centrales tentaient, au contraire, de calmer le jeu. La défiance menait le bal.
Cette situation dépasse le seul champ de l'économie. Une croyance domine désormais la planète : la conviction qu'il faut se méfier de tout. Derrière chaque parole, chaque geste, nous supputons un mensonge, une tricherie. En toute situation, nous voyons un péril. Cette « foi » nous détermine. C'est à partir d'elle que nous choisissons, que nous agissons, que nous communiquons, en mettant en oeuvre des réflexes « raisonnables » de survie, à quelque niveau que nous soyons.
Le principe du réflexe, c'est l'immédiateté. Là où il faudrait du sang-froid, le sens du collectif, la capacité de temporiser pour rassembler les forces, nous sommes dans la fuite en avant. Ceux qui connaissent le football savent bien qu'une équipe qui vient d'encaisser un but est perdue si chaque joueur pense être le seul à pouvoir égaliser...
Nous avons transformé le fameux « Je pense, donc je suis » de Descartes en « Je doute, donc je suis ». Les médias en sont la caisse de résonance, mus par un esprit critique aiguisé, mais souvent incapables de se critiquer eux-mêmes. Ce doute généralisé agit comme le regard du cobra qui paralyse sa proie : la fascination qu'il exerce restreint considérablement notre champ de vision, notre capacité d'analyse.
Et pourtant, notre vie continue de s'appuyer sur une multitude d'autres choses qui nous portent positivement. Le sol n'a pas disparu sous nos pieds, l'amitié n'est pas cotée en Bourse, la protection sociale, malgré quelques difficultés, ne s'est pas envolée en fumée, des artistes produisent des oeuvres admirables, des enfants naissent... On est même sûrs que les bons du Trésor américain restent, à ce jour, l'un des meilleurs placements, en dépit de la dégradation de la note de la dette des États-Unis !
Les économistes nous le disent : il va falloir faire de grands efforts. Le monde d'après la crise ne sera pas celui des Trente Glorieuses (1945-1975). La vie sera matériellement plus dure pour nous qui avons connu l'abondance. « Nous », ce ne sont pas les ultra-riches, mais les gens ordinaires au regard du niveau de vie de l'ouvrier chinois qui nous fournit en produits si bon marché, du paysan somalien, de l'habitant des bidonvilles de Port-au-Prince, du vendeur à la sauvette tunisien qui s'est suicidé à Sidi Bouzid...
Le premier des efforts, ce n'est pas de se serrer la ceinture (nous n'y échapperons pas), ni même celui, indispensable, de partager (en commençant par les plus riches pour que les autres n'aient pas le sentiment d'être les dindons de la farce). Pour que nous puissions consentir ensemble aux sacrifices à venir, nous devons d'abord mettre en doute la défiance. Tant que nous serons prisonniers de cette paranoïa collective, rien ne sera possible. Lorsque cette manie du doute sera domptée, nous découvrirons que la vie ne manque pas de ressources. Le retournement sera spectaculaire. En commençant par les marchés.
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