TOUT EST DIT

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jeudi 18 août 2011

Faire avancer l’euro, sans l’Allemagne

Malgré l'entente qu'affichent Paris et Berlin, leur vision de l'avenir de Europe sont très différentes. Et l'Allemagne est devenue le principal obstacle sur la voie de davantage d'intégration. Voilà pourquoi, lance un éditorialiste du Times, la France devrait s'emparer du leadership et laisser son partenaire de côté. 

Alors que le "destin fédéral" de l’Europe se rapproche, une deuxième faille dans le projet européen se profile à l’horizon, bien plus profonde que les contradictions entre les politiques monétaires et budgétaires des nations de la zone euro. Tout le monde s’accorde à dire que l’Europe doit faire un choix clair entre l’abandon de l’euro ou un bond en avant vers "une véritable gouvernance économique européenne", comme l’a souligné le président Nicolas Sarkozy après la réunion du 16 août à Paris.
Concrètement, cela implique deux choses. La première, c’est un remplacement partiel des dettes des gouvernements nationaux par des euro-obligations, garanties collectivement par tous les pays de la zone euro et leurs contribuables. C’est une idée à laquelle l’Allemagne, l’Autriche et d’autres nations créancières sont fortement opposées, et qui a été une nouvelle fois reportée pendant la réunion avec la chancelière allemande Angela Merkel. Toutefois, les résistances diminuent.
La deuxième condition, exigée en contrepartie par les pays créanciers, serait d’imposer un contrôle centralisé sur les impôts et les dépenses publiques par un trésor fédéral européen, disposant d’un droit de veto sur les politiques budgétaires de tous les États membres. La Grèce, l’Italie, l’Espagne et d’autres nations endettées s’y opposent bien évidemment, mais leur résistance faiblit également.
L’arrivée d’Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, à la tête d’un nouveau comité n’est cependant pas vraiment un signe allant dans ce sens. Néanmoins, la première faille fondamentale du projet européen – la contradiction entre une monnaie unique et une multiplicité de politiques budgétaires nationales divergentes – pourrait encore finir par être résolue en faveur de la solution fédérale. Cela a d’ailleurs toujours été l’intention des pères fondateurs de l’euro, François Mitterrand et Helmut Kohl.

Deux visions différentes de l'Europe fédérale

Mais aujourd’hui, l’Europe doit faire face à une seconde faille – les conceptions allemandes et françaises de l’Europe fédérale s’excluent mutuellement. Non seulement les deux pays ont des théories très différentes sur la centralisation du gouvernement et les pouvoirs accordés aux régions, mais leurs visions d’une Europe fédérale sont tout simplement fondamentalement incompatibles en termes de politique de puissance.
Les Allemands estiment être la superpuissance économique de l’Europe, et donc avoir gagné le droit de gérer la zone euro selon leur modèle. Les Français sont tout aussi convaincus que leur nation est historiquement le leader diplomatique, intellectuel et bureaucratique de l’Europe, et se considèrent comme les gestionnaires naturels de toutes les institutions européennes. La seule question fondamentale à résoudre aujourd’hui pour la survie de l’euro, ce n’est donc pas de savoir si une Europe fédérale est nécessaire, mais si la fédération naissante sera dirigée par l’Allemagne ou par la France.
Pour le moment, il est admis que l’Allemagne est en position de force, dans la mesure où elle est la trésorière de la crise de l’euro. Mais si M. Sarkozy joue bien ses cartes, il pourrait inverser totalement la tendance. Supposons qu’il réagisse au dernier sommet, peu concluant, par une proposition modeste : l’Allemagne, pourrait-il avancer, a refusé de soutenir l’euro dans cette crise. Berlin n’a ni accepté d’émettre des euro-obligations garanties collectivement, ni autorisé la Banque centrale européenne (BCE) à refinancer l’Italie, l’Espagne et la Grèce en rachetant leurs obligations. Les hommes politiques allemands ont affirmé que les pays dans l’incapacité de payer leurs dettes devraient être expulsés de la zone euro – mais pourquoi ne pas retourner cette proposition, et expulser l’Allemagne ?

L'Allemagne pourrait être invitée à se retirer

Étant donné le peu de solidarité dont elle fait preuve vis-à-vis des autres pays de la zone euro, l’Allemagne pourrait être poliment invitée à se retirer. La décision pourrait même venir d’une révolte politique ou d’une décision de justice allemande, si les autres membres de la zone euro décidaient d’ignorer ses objections et de forcer la BCE à racheter de grandes quantités de dettes italiennes et espagnoles.
L'Allemagne émettrait alors un nouveau mark, et les autres pays seraient face à un choix simple : suivre l'Allemagne dans la sortie de l'euro, ou continuer avec un plus petit groupe, emmené par la France, semblable à l'Union monétaire latine qui unissait la France, l'Espagne, l’Italie, la Grèce et la Belgique entre 1866 et 1908.
Le retrait volontaire de l’Allemagne poserait bien moins de problèmes juridiques et institutionnels qu’une explosion de l’euro causée par l’expulsion forcée de la Grèce, de l’Italie ou de l’Espagne. L’Allemagne pourrait se voir accorder une dérogation au traité de Maastricht, identique à celle dont bénéficient la Grande-Bretagne et le Danemark. Les détenteurs d'obligations allemandes n’y verraient pas d'objection, dans la mesure où leurs titres seraient convertis dans une monnaie plus forte, le nouveau mark.

De grands avantages pour la France

La BCE continuerait de fonctionner à l’identique, mais sans Allemands (ou Néerlandais ou Autrichiens) au sein de son directoire. Sans le veto allemand, la BCE serait libre de racheter immédiatement des montants illimités d’obligations italiennes et espagnoles, à l’instar de la Bank of England et de la Réserve fédérale américaine, qui ont racheté les obligations de leurs gouvernements respectifs. Avec le temps, les membres restants de la zone euro négocieraient un nouveau traité, créant un ministre fédéral des finances chargé de l’émission d’obligations garanties collectivement et de l’administration des politiques budgétaires communes.
Pour tous les pays latins, y compris la France, cela offrirait des avantages immenses, sans réels inconvénients. Ils reprendraient le contrôle de leur monnaie et pourraient l’utiliser pour racheter leurs dettes nationales. Ils pourraient la dévaluer à volonté, sans provoquer de guerres commerciales avec leurs voisins latins. Pour la France, les avantages géopolitiques seraient encore plus grands : elle ne serait plus condamnée à être le sous-fifre de Berlin, et ne perdrait pas son caractère national en essayant d’être plus allemande que l’Allemagne.
Les pays d’Europe centrale afflueraient pour rejoindre une zone euro dirigée par la France, n’ayant pour seule alternative que des devises surévaluées. Encore plus important, la Pologne et la Hongrie préfèreraient se voir comme des pays européens suivant l’initiative de la France plutôt que comme des colonies économiques de l’Allemagne. Mieux encore pour la France, ses élites bureaucratiques redeviendraient les leaders incontestés du projet fédéral européen.
Parallèlement, les exportateurs et les banques allemands souffriraient d’un choc déflationniste sans précédent – d’une telle envergure que l'Allemagne pourrait revenir en rampant, la queue entre les jambes, pour demander la permission de rejoindre une union monétaire dirigée par la France. Pour résumer, la diplomatie française tient là une chance d’établir une fois pour toute sa supériorité sur la puissance industrielle allemande, et d’affirmer sa position de force en Europe. Là où Clémenceau et Napoléon avaient échoué, M. Sarkozy pourrait aujourd’hui triompher. Le jour de gloire est arrivé ! 


Zone euro

Tout irait mieux sans l’Allemagne

A en croire Martin Sandbu, du Financial Times, l'Allemagne constitue l'unique obstacle à la création d’obligations européennes. La solution serait donc de laisser Berlin sur le bord de la route.
"Il faudrait prendre la zone euro sans l’Allemagne et ceux qui partagent ses vues, à savoir les Pays-Bas, l’Autriche, la Finlande et la Slovaquie. Il faudrait également exclure la Grèce. Les 11 pays restants formeraient alors un marché obligataire de 3 500 milliards d’euros, dont les données macro-économiques ne seraient pas bien pires que celles de la zone euro dans son intégralité. L’établissement d’un sous-ensemble autonome de la zone euro en ferait tiquer plus d’un à Bruxelles. 
Mais cela n’est pas moins contraire à l’esprit européen, aux yeux de ceux qui sont disposés à mettre en commun leur souveraineté et éviter ainsi que la mauvaise volonté allemande n’entrave leur bien-être. Une réticence qui se justifierait si Berlin devait payer pour le projet, mais cela ne serait pas le cas.
Comment l’Allemagne réagirait-elle à une telle intitiative ? Sur le plan économique, Berlin perdrait quelque peu son avantage en matière d'emprunt si les investisseurs pouvaient se reporter un autre marché obligataire, libellé en euros, plus grand et économiquement plus attrayant. Sur le plan politique, les électeurs allemands craindraient de se voir écartés du processus  d’intégration européenne, encore plus que de devenir les bailleurs de fonds de l’Europe. S'il en est ainsi, le pouvoir se trouve en réalité entre les mains des autres membres de la zone euro. Et ils devraient en profiter".  


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