L'Elysée vient de dégainer l'arme nucléaire. En menaçant Areva d'une prise de contrôle rampante par EDF, l'exécutif a placé un pistolet sur la tempe du management du géant français de l'atome. « Entendez vous avec EDF ou sinon l'électricien deviendra votre actionnaire de référence », « devenez de véritables partenaires ou vous serez relégué au rang de filiale-fournisseur plus ou moins indépendante » : voilà en substance le message que Nicolas Sarkozy vient de faire passer à Anne Lauvergeon, la patronne d'Areva. Car, même s'il n'est pas question qu'EDF rachète le fabricant de centrales, l'idée évoquée est bien de faire de l'électricien dirigé par Henri Proglio le deuxième actionnaire d'Areva - derrière le Commissariat à l'Energie atomique. Une montée en puissance qui réduirait forcément la marge de manoeuvre d'un groupe qui, jusque-là, a bénéficié d'une forte autonomie. Avec actuellement 2,4 % du capital d'Areva, EDF ne pèse guère sur les décisions du groupe. Avec 10, 15, voire 20 %, il aurait plus que son mot à dire.
Même s'il est peu compliqué à mettre en oeuvre - dans la mesure ou l'Etat comme le CEA peuvent chacun céder une partie de leurs actions à EDF -ce schéma soulèverait cependant autant de difficultés qu'il permettrait de résoudre de problèmes. Certes, l'« équipe de France » se trouverait à terme plus unie et l'autorité du capitaine, EDF, serait incontestable. Dans l'Hexagone, comme à l'international, l'équipe serait ainsi dans bien des cas plus efficace.
Mais ce n'est pas parce qu'un couple se retrouve marié que les querelles disparaissent instantanément. Au contraire, à court terme, une union sous la contrainte risquerait même de déboucher sur une guerre de tranchées. De plus, même si EDF est le premier client d'Areva, il est loin d'en être le seul. Bien d'autres énergéticiens, le plus souvent concurrents d'EDF, se fournissent eux aussi auprès d'Areva. Auraient-ils envie de contribuer aux résultats d'un groupe dont un rival serait l'actionnaire de référence ? Si Air France était au capital d'Airbus, Easyjet n'achèterait sans doute que des Boeing. Pour EDF même, une montée au capital d'Areva n'aurait pas que des points positifs. Une prise de participation significative immobiliserait en particulier des capitaux dont l'entreprise a besoin par ailleurs.
Plutôt que d'en passer par une solution ayant, à première vue, autant d'inconvénients que d'avantages, les deux groupes feraient mieux de se plier aux exigences de l'Etat. Ils devraient en finir avec les stériles batailles de pouvoir et d'ego et accepter de travailler réellement main dans la main. Ils répondraient ainsi non seulement à leur propre intérêt mais également à leur intérêt commun. Car comme l'histoire l'a démontré, EDF et Areva ne se sont jamais aussi bien portés que quand ils collaboraient efficacement.
L'Etat a décidé de manier l'arme nucléaire pour faire passer son message. Mais une telle arme a vocation à être avant tout dissuasive.
DAVID BARROUX
jeudi 29 juillet 2010
Dissuasion nucléaire
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