A l'origine était une ambition pédagogique, éducatrice même. Bien avant que l'affaire Bettencourt ne devienne le principal sujet de conversation de l'été 2010, Nicolas Sarkozy s'était fixé comme ambition majeure de réconcilier les Français avec l'argent, et plus généralement avec la réussite. En 2001, lorsqu'il pose, avec son livre « Libre », le premier jalon théorique qui le mènera à l'Elysée, il dissèque longuement les raisons de l'immobilisme français. L'intention est d'abord politique, puisqu'il s'agit de distiller la nécessité d'une « rupture » avec les années Chirac. Mais pas seulement : Nicolas Sarkozy réfléchit aux moyens de guérir la société française de ses blocages. Il a été aux Etats-Unis, il regarde de près la performance économique de l'Europe du Nord et en ressort frappé par l'exception française que constitue son rapport au succès. « Il n'est pas ressenti ni accepté comme une valeur positive », déplore-t-il dans « Libre ». « Au lieu de mobiliser la société au travers de ceux de ses membres qui ont réussi, on préfère l'exciter contre celui qui a plus que l'autre, sous-entendu parce qu'il a pris, volé ou arraché à d'autres. »
Six ans plus tard, lorsqu'il entre dans la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy n'a rien renié de ces propos : il choisit même d'en faire le coeur de son programme pour l'Elysée. « La République, c'est l'école de l'excellence, pas du nivellement et de l'égalitarisme », clame-t-il lors de son discours d'investiture, le 14 janvier 2007, en invitant les Français à assumer, décomplexés, une société du « mérite », une société où « tout devient possible » - c'est son slogan -, construite pour permettre la réussite de chacun : accession à la propriété facilitée, droits de succession supprimés, heures supplémentaires défiscalisées, bouclier fiscal.
Il sait qu'il bouscule là les Français dans leur culture profonde, alimentée par toute une mythologie politique contre « l'argent qui corrompt, l'argent qui achète, l'argent qui écrase. » (François Mitterrand). Il choisit dès lors deux leviers pour mener à bien son projet éducatif. Celui de la feuille de paie : c'est le « travailler plus pour gagner plus », aiguillon électoral qu'il n'arrivera jamais vraiment à traduire dans les faits. Et celui du modèle. Converti au Storytelling, Nicolas Sarkozy décide de mettre en scène sa propre réussite et de faire de son parcours de « petit Français de sang mêlé » un modèle pour tous. « Vous aussi, vous pouvez vivre l'aventure », lancent ses communicants, en montrant combien leur héros, parti de rien, a puisé aux mêmes sources que ses modèles - persévérance et audace -pour gravir les marches du pouvoir. Nicolas Sarkozy n'a donc aucune raison de cacher sa proximité avec ceux qui se sont « faits à la force du poignet », comme il le dit, qu'ils soient acteurs, sportifs et plus encore entrepreneurs. Au contraire : n'est-il pas devenu modèle à son tour ? Et tant mieux si cela lui permet au passage d'afficher une « rupture » avec l' « hypocrisie » du pouvoir vis-à-vis de l'argent.
Est-ce d'avoir ainsi affiché son propre rapport décomplexé à l'argent que paie aujourd'hui Nicolas Sarkozy dans l'opinion ? Si tel est le cas, cela ne s'est pas produit en un jour. Au départ, l'opération a eu un effet plutôt stimulant, y compris lors des premières polémiques sur le Fouquet's et le yacht de Bolloré. Si la presse s'enflamme, les Français ne semblent pas en vouloir au président. « Ils n'étaient pas vraiment convaincus sur le fond, mais étaient prêts à parier sur la force d'entraînement du nouveau président. D'ailleurs, à ce moment-là, le moral économique des Français s'inverse, il devient positif », relève Gaël Sliman, directeur de BVA Opinion. « Ce n'est qu'en 2008, lorsqu'ils constatent l'absence de résultats, qu'ils commencent à se retourner, poursuit-il, le "bling bling" n'intervient qu'en second, comme une mauvaise cerise sur un mauvais gâteau. »
Les Français restent peut-être d'incurables rétifs à la réussite. Il est probable que la crise économique ait rendu intenables des attitudes tolérées en d'autres circonstances. L'affaire Woerth-Bettencourt a peut-être également joué, par les montants avancés, le rôle de goutte d'eau faisant déborder le vase. Mais une chose est sûre : le bel objectif de départ semble loin d'être atteint. Tout se passe comme si l'allergie des Français à ce qui leur apparaît comme une collusion entre la politique et l'argent se trouvait aujourd'hui décuplée. Avec une question à la clef : Nicolas Sarkozy va-t-il, peut-il, continuer son travail de réconciliation ? Le 12 juillet, à la télévision, il est apparu pour la première fois un peu en retrait sur sa thématique de prédilection, affirmant : « Je me méfie autant des gens qui idolâtrent l'argent que de ceux qui le détestent. »
CÉCILE CORNUDET EST GRAND REPORTER AUX « ECHOS ».
jeudi 29 juillet 2010
Réconcilier les Français et l'argent : le rêve brisé du président
POURTANT, LE FRANÇAIS AIME L'ARGENT, QUAND C'EST LE SIEN. JAMAIS UN PEUPLE N'A ÉTÉ AUSSI JALOUX VIS À VIS DE CE QUE POSSÈDE SON VOISIN, QUE CE PEUPLE. LE FRANÇAIS EST HYPOCRITE, SOMBRE ET FAINÉANT. CE QUI LE REND SOUVENT AIGRI.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire