samedi 24 mai 2014
Allons enfants…
“La Marseillaise”, comme la Révolution, forme un bloc, elle est à prendre ou à laisser, mais on ne fait pas le tri dans ses paroles.
En France, les polémiques sont un peu comme les trains, l’une peut toujours en cacher une autre. Après que l’on eut reproché à une ministre, comme en d’autres temps à des joueurs de football, de ne pas avoir entonné la Marseillaise, c’est l’hymne national lui-même qui est pris aujourd’hui dans la tourmente.
Un acteur de talent, surtout connu pour son jeu flegmatique, non content d’assurer les fonctions de Monsieur Loyal du Festival de Cannes, a décidé d’expurger le chant de Rouget de Lisle. M. Lambert Wilson est heurté par des paroles qu’il juge « épouvantables », « sanguinaires », « racistes » et « xénophobes », rien de moins… Il a même cru bon d’ajouter qu’il était « sidéré qu’on continue à chanter ça »…
Il semble que la vue ou plus exactement l’évocation de ce « sang impur [qui] abreuve nos sillons » heurte profondément la sensibilité de l’acteur, lequel n’a pourtant pas hésité à torturer un pauvre marsupilami dans une scène de film proprement insoutenable.
Néanmoins on s’inquiète pour lui à l’idée qu’il soit un jour contraint de jouer le théâtre de Corneille, il serait forcé de voir le sang du père de Chimène « Couler à gros bouillons de son généreux flanc », « Ce sang qui tout sorti fume encor de courroux / De se voir répandu pour d’autres que pour vous ». Devrons-nous aussi censurer Corneille ?
Certes, et pour reprendre les propres termes de l’acteur, le Cid, comme la Marseillaise, « est d’un autre temps », une chose violente, belle et âpre. Le Cid comme la Marseillaise ont, ne lui en déplaise, “fabriqué” la France.
Le Cid est une tragédie, la Marseillaise un chant guerrier devenu notre hymne national. La Marseillaise, comme la Révolution, forme un bloc, elle est à prendre ou à laisser, mais on ne fait pas le tri dans ses paroles. Si à certains moments de notre histoire, ce chant révolutionnaire a pu diviser le pays, aujourd’hui il l’incarne. Est-il besoin de rappeler aux âmes sensibles que le régime de Vichy tenta de lui substituer Maréchal, nous voilà !, moins violent certes mais que de jeunes Français ont été contraints de chanter avec le goût du sang dans la bouche ? Est-il besoin de rappeler aux âmes sensibles que la Marseillaise a été interdite en zone occupée dès 1941 ?
Enfin est-il besoin de rappeler aux âmes sensibles que ces paroles ont été souvent les derniers mots entendus ou prononcés par des condamnés à mort avant que le peloton d’exécution n’ouvre le feu ?
À ce titre la Marseillaise est sacrée, elle a été élevée à ce rang par le sang des soldats, des héros et des martyrs qui sont tombés pour la France et pour la Liberté.
Peut-être que, par respect pour eux, les âmes sensibles pourraient s’abstenir…
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