TOUT EST DIT

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samedi 24 mai 2014

Le mammouth et le pantin


Comment penser que la droite pourra modifier quoi que ce soit en matière d’éducation, si elle revient au pouvoir, face à cette marée d’enseignants gauchistes ?
La France est-elle encore réformable ? Beaucoup, notamment à droite, affirment que oui, à force de volonté, d’audace et d’ambition collective, le pays tout entier peut se ressaisir et retrouver son prestige d’antan. Un événement insolite et mineur intervenu la semaine passée permet toutefois de douter de la capacité du corps social français à se remettre en question, ne serait-ce que dans l’intérêt du pays.
Pour la prochaine rentrée scolaire, le ministère de l’Éducation nationale avait décidé d’avancer la date de reprise des cours. Et cela avait de fait pour conséquence que les 800 000 enseignants français devaient faire leur prérentrée le 29 août. De manière à ce que tout soit prêt pour qu’ils puissent accueillir leurs élèves le lundi 1er septembre. Et bien, c’est non ! Les syndicats d’enseignants n’ont pas eu besoin de monter fortement au créneau pour que le ministre recule. Ils ont seulement déposé un préavis de grève pour cette journée du 29 août. Car comme l’a affirmé l’un des syndicalistes, « il n’est pas question de toucher au mois d’août ». L’insignifiant ministre de l’Éducation a justifié son recul par un pseudo-problème d’informatique qui ne pouvait pas prendre en compte le début d’activité de 40 000 nouveaux enseignants. Une fois encore, et comme tous ses prédécesseurs de gauche et de droite, il n’avait, en fait, pas d’autre choix que de céder face au diktat du Snes-FSU et du Snalc, les deux principaux syndicats de professeurs.
Cette affaire est triste. Elle est certes anecdotique. Et dans quelques jours plus personne n’en parlera. Mais elle constitue la démonstration la plus stupéfiante de l’incapacité à faire bouger, ne serait-ce que légèrement, le “mammouth” de l’Éducation nationale. Tous les rapports officiels, des quantités de livres et des heures de symposiums s’accordent sur la même idée. La France qui a vu son système éducatif s’effondrer au cours des trente dernières années doit impérativement repenser le logiciel global de ce qui constitue l’instruction publique. C’est devenu une question urgente dès lors que la proportion d’élèves ne sachant pas lire à l’entrée en sixième — au sens où le déchiffrement ne s’accompagne pas de compréhension — est allée croissant depuis une dizaine d’années, au point d’avoisiner les 20 %. D’après certains professeurs et principaux de collège, ce chiffre ne fait que croître et serait maintenant de près d’un tiers en troisième. Cela signifie qu’un futur lycéen sur trois ne comprend pas un texte ou un énoncé de problème qu’on lui soumet. Ne parlons même pas des dégâts en matière de culture générale et du pitoyable niveau des Français en langues étrangères.
Tout cela doit constituer la priorité d’un ministre de l’Éducation nationale. Surtout à un moment où la gauche nous rabâche en permanence les vertus de Jules Ferry, chantre de l’école obligatoire et gratuite pour tous. Au lieu de cela, Benoît Hamon ne se préoccupe que des rythmes scolaires qui ont perturbé l’hygiène de vie de centaines de milliers d’enfants et les finances de toutes les communes, petites ou grandes, dans des conditions parfois dramatiques. Et le voilà maintenant plus soucieux de plaire aux syndicats d’enseignants que de faire revenir sur les bancs de l’école nos chères têtes blondes. Ce n’est pas de cette manière que la France va pouvoir entamer la reprise en main de son système d’éducation. Ce n’est pas ainsi que les pouvoirs publics vont parvenir à imposer des changements de méthode à des enseignants largement syndicalisés. Bref, le “mammouth” a peu de chances d’évoluer en poursuivant de cette manière, avec son administration tellement pléthorique que c’est le seul ministère à ne pas pouvoir indiquer le nombre de ses fonctionnaires. Et les 40 000 enseignants en panne d’affectation, qui restent chez eux tout en étant payés, peuvent être certains de ne pas être dérangés de sitôt.
Après ce spectacle pitoyable donné par Benoît Hamon, comment penser que la France puisse encore être réformée, sauf à donner un grand coup de pied dans la fourmilière ? Comment penser que la droite pourra modifier quoi que ce soit, si elle revient au pouvoir, face à cette marée d’enseignants gauchistes élevés au lait de Mai 68 ? Comment penser que l’intérêt des enfants pourrait enfin prévaloir sur celui de leurs professeurs qui sont de plus en plus nombreux et produisent chaque année plus d’enfants en échec scolaire ? Il reste bien une méthode que Nicolas Sarkozy avait mise en avant au début de sa campagne présidentielle de 2012 : celle d’un grand référendum destiné à enjamber l’obstacle de tous ces corps intermédiaires qui veulent surtout que rien ne change. Il faudra bien y venir. Déjà en 1806, écrivant au roi de Naples, Napoléon avait prévenu : « On ne change et réforme pas les États avec une conduite molle. »

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