jeudi 9 mai 2013
La conjuration des imbéciles
La conjuration des imbéciles
Le déclin commence toujours par l'économie avant de pourrir les têtes. Ces derniers temps, la France semble entrée dans la dernière phase, celle du crétinisme, de l'hystérie et de la mauvaise foi.
A croire que nous sommes tombés au-dessous du degré zéro de la politique. A ceux qui en doutent encore le premier projet de déclaration de la direction du PS sur l'Europe vient d'administrer la preuve que les esprits sont gravement atteints, jusque dans les hautes sphères du parti majoritaire.
Réveille-toi, Mitterrand, ils sont devenus fous ! Si l'on s'en tient à la lettre de ce texte, heureusement condamné par M. Ayrault, on est en droit de penser que les socialistes ont décidé d'inoculer aux Français le venin de l'europhobie et de la germanophobie. Alors que M. Copé, "président" autoproclamé (et à vie) de l'UMP double Marine Le Pen sur sa droite à propos des questions de société, voilà que le PS tente de ravir au Front national le flambeau du combat antieuropéen. M. Bartolone, troisième personnage de l'Etat, appelle même à une "confrontation" avec l'Allemagne. Le farceur !
Tels sont les effets de l'amoralité en politique. Quand rien ne vaut rien, tout se vaut et le PS n'hésite pas à tourner la page de son héritage européen en dénonçant la principale responsable des difficultés de la France :l'" Europe de droite" incarnée par Mme Merkel et son "intransigeance égoïste". Il suffisait d'y penser. Si la France dégringole depuis des années la spirale de l'endettement et de la désindustrialisation, si elle tarde tant à réagir pour remonter la pente, c'est la faute de l'Allemagne, voilà tout.
Le plus piquant est que cette "analyse" débile sort notamment des méninges de M. Cambadélis, secrétaire national à l'Europe, ex-lieutenant de M. Strauss-Kahn puis de Mme Aubry, qui passe pour avoir l'esprit très vif. Mais que demande le peuple, alors que montent le chômage, les colères et le malheur social ? Comme toujours dans ces cas-là, des coupables à pendre. Des têtes à décapiter. En somme, des boucs émissaires. Les socialistes vont donc lui en donner : ce sera d'abord Mme Merkel, qualifiée de "chancelière de l'austérité". On verra pour la suite.
"L'antiaméricanisme, c'est le socialisme des imbéciles", disait naguère l'historien Jacques Julliard. Aujourd'hui, c'est l'antigermanisme, qui est aussi la maladie sénile des souverainistes. Avant que Gerhard Schröder, chancelier social-démocrate, ne lui applique ses remèdes de cheval au début des années 2000, l'Allemagne était à peu près dans l'état de la France aujourd'hui. Il l'a ressuscitée. Mais la droite comme la gauche françaises ont refusé de s'inspirer de sa politique de redressement. Trop dure. Trop courageuse.
Notre pays s'est fourvoyé dans une autre voie que l'Allemagne,celle du déni, qui se résume à l'incantation du "retour à la croissance" et de la "fin de l'austérité". On a vu les résultats. Ce qui n'empêche pas la déclaration de la direction socialiste de célébrer avec ingénuité la "vision de la France" qui "entraîne avec elle de nombreux peuples". Défense de rire.
La stratégie de l'évitement qui nous a conduits où nous sommes est donc toujours à l'ordre du jour. Mélangez morphine, hallucinogènes, paresse intellectuelle et vous aurez le texte du PS, un copier-coller des bouffonneries involontaires que l'on peut lire dans Le Monde diplomatique ou dans Alternatives économiques, nos deux bibles du vaudouisme appliqué aux finances publiques.
Le mot d'ordre socialiste : continuons comme si de rien n'était en attendant la victoire des sociaux-démocrates allemands aux prochaines élections générales, à l'automne. Pour le PS, l'immobilisme reste donc le meilleur dessein pour la France. Inutile de baisser la dette de l'Etat, de réduire vraiment les dépenses publiques ou de résorber sérieusement le déficit budgétaire, comme l'ont fait les pays qui, sur des bases assainies, ont ensuite retrouvé la croissance, de l'Allemagne au Canada en passant par la Suède. Non, au contraire, il faut tout laisser filer, quitte à emprunter à tour de bras. C'est l'échec électoral de Mme Merkel qui nous sortira de notre mauvaise passe en ramenant la gauche aux commandes de l'Europe. Après, tout ira bien : nous pourrons à nouveau faire la noce et raser gratis.
A en croire le PS français, le SPD allemand serait même assez bête pour accepter la mutualisation des dettes européennes sans demander les contreparties que Mme Merkel avait réclamées en vain à M. Hollande. Le projet socialiste peut se résumer ainsi : pas question de se restreindre, nous allons persévérer dans la politique qui ne nous a pas réussi en empruntant d'arrache-pied pour financer nos dépenses publiques. Qu'importe si notre dette s'envole, l'Allemagne paiera pour nous : si besoin, elle n'aura qu'à se serrer la ceinture pour la rembourser. La rigueur, après tout, elle a l'habitude, ça lui est même consubstantiel.
Le drame, avec les périodes comme celles où nous vivons, c'est que le peuples sont prêts à croire les mensonges les plus énormes, les plus éhontés. On ne peut que souhaiter malheur à ceux qui les profèrent : que ce soit par cynisme, ruse ou insouciance, ils n'ont aucune excuse.
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