vendredi 16 novembre 2012
Mes regrets
Mes regrets
L’idée qu’il serait possible d’interrompre totalement l’immigration
relève de l’imposture et ne fait que nourrir le chaos qui règne en
France sur cette question. Il faudrait interdire les mariages mixtes
authentiques, aux universités d’accueillir des étudiants sérieux, ou aux
entreprises de faire venir des cadres dont elles ont besoin. Je ne sais
même pas si les Etats totalitaires du siècle passé ont réussi à
verrouiller entièrement leurs frontières.
En revanche, en entrant dans le cabinet de Nicolas Sarkozy en 2005,
j’avais l’espoir que la France pourrait sortir durablement du chaos migratoire
dans lequel elle vit depuis des décennies et qui s’amplifie d’année en
année. En effet, il y a bien longtemps que l’Etat a renoncé à assurer sa
mission de garant des lois et de l’ordre public dans ce domaine. Dans
un contexte de pression migratoire colossale à l’échelle du monde, les
migrants, attirés par le travail clandestin et le système de protection
sociale, entrent par tous les moyens dans le pays – passage des
frontières, filières criminelles, visas de court séjour – sachant qu’ils
ont peu de chance d’être expulsés et en attendant une régularisation
qui finit un jour ou l’autre par arriver. Ce désordre ne profite à
personne, surtout pas aux arrivants, plongés dans la précarité et la
marginalisation. Il est à l’origine de la ghettoïsation des populations
d’origine étrangère dans les « cités sensibles », de l’exclusion, du
chômage des étrangers, de la révolte et de la montée des violences, du
repli identitaire, de la fragmentation de la société.
En 2005, à travers le thème de l’immigration choisie, nous
voulions organiser l’immigration, y apporter de l’ordre et de la
cohérence. L’Etat doit pouvoir décider qui il accueille, dans quelles
conditions, quelles limites et selon quels principes. La France ne peut
pas recevoir tout le monde. Il faut au moins disposer d’un travail, d’un
logement, faire preuve de sa volonté de se plier aux règles du pays
pour pouvoir s’y installer, en nombre compatible avec ses capacités
d’accueil, notamment les perspectives d’emploi: en période de fort
chômage, l’immigration doit être réduite au stricte minimum. En tout
cas, il faut être en règle, disposer d’un visa de long séjour, accordé
avant l’arrivée en France, sans lequel il est impossible de s’installer
dans le pays. Celui qui fraude, entre et réside sans y avoir le droit,
en forçant le passage et en violant la loi de la République, devra
inéluctablement repartir. Les régularisations, sauf quelques cas
humanitaires, doivent être bannies. Ce sont les consulats, (donc avant
l’arrivée) qui délivrent les visas de long séjour et non les préfectures
qui régularisent des migrants illégaux.
Cependant cette démarche, la seule raisonnable et réaliste, n’a été
admise par personne. Elle est insupportable aux tenants de l’immigration
zéro qui ne veulent pas voir la réalité, par aveuglement. Elle était
totalement incompréhensible aux élites françaises, de droite comme de
gauche, dont l’esprit est imbibé de l’idéologie exprimée par M. Kofi
A.Annan en 2006, alors secrétaire général des Nations Unis selon
laquelle « [l’immigration] est depuis toujours le moteur du progrès
[…] l’histoire nous enseigne que les migrations améliorent le sort de
ceux qui s’exilent mais aussi font avancer l’humanité tout entière ».
Cette idéologie prend le contrepied du « nationalisme intégral »
exprimé par Maurras au début du siècle dernier selon lequel « la France n’est pas un terrain vague (1912)
» alors en vogue auprès d’une génération. Mais toutes les idéologies
sont excessives, manipulatrices, perverses et dangereuses. L’actuelle
n’est pas meilleure que celle d’hier, cultivant elle aussi la naïveté et
conduisant à l’abîme.
Sous l’influence de ce diktat idéologique, les éléments se sont
déchaînés pour nous empêcher de réaliser nos projets : la presse et les
médias, les associations les ont caricaturés (racistes, xénophobes),
les partis politiques, les tribunaux les ont combattus avec un
acharnement qu’on ne peut pas imaginer. Je songe au Sénat de droite, en
2006 et en 2007, qui a rejeté le principe du visa de long séjour
obligatoire permettant de lutter contre les mariages blancs, ou à cet
arrêt Dridi de la cour de justice européenne, en 2010 et son
interprétation par les tribunaux français, qui ont quasiment interdit
les reconduites à la frontière. De ce que nous avons voulu ou
tenté de faire, organiser l’immigration, la soumettre au respect
de la loi, à la volonté générale, il ne reste pratiquement plus rien.
L’immigration reste subie, l’Etat mis devant le fait accompli. Les
consciences peuvent-elles un jour évoluer dans le bons sens qui ne
saurait être que celui du réalisme, de la mesure, de l’autorité de
l’Etat? L’occasion se représentera-t-elle ? Franchement, je n’en ai pas
la moindre idée. En attendant…
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