mercredi 31 octobre 2012
Sciences po et l’ENA
Sciences po et l’ENA
Les deux institutions font parler d’elles en ce moment. Le Nouvel
Observateur de la semaine dernière accuse l’ENA d’être responsable du « déclin français ».
L’hebdomadaire s’appuie sur le livre d’un élève de la dernière
promotion qui fustige l’Ecole. Ce dernier a-t-il pour autant
démissionné, remboursé sa scolarité, renoncé à sa carrière ? Pas que je
sache. Faire parler de soi en crachant dans la soupe est une bonne
vieille spécialité des élites françaises. Il est de bon ton en France,
notamment de la part de quelques anciens élèves, de haïr et de dénigrer
cette Ecole. Or, je tiens à le dire, contrairement aux idées
reçues, l’ENA ne formate pas les esprits. Les deux ans qu’on y passe
sont totalement neutres : un an de stage dans des administrations et
entreprises et un an à travailler les techniques juridiques et
financières en produisant des notes de synthèse et à auditer des
services publics dans la perspective du « classement . En revanche, le
formatage des esprits a lieu avant, à sciences po, d’où proviennent un
bon tiers des énarques. Cette école, depuis une vingtaine d’années, est
devenue une usine à façonner les consciences en masse avec des
promotions annuelle d’un millier d’étudiants. C’est là qu’on apprend
pendant 5 ans désormais (contre 3 autrefois) les bases de l’idéologie
française : la discrimination positive, spécialité de la rue St
Guillaume qui a donné des leçons à la terre entière en privilégiant
l’accueil de « jeunes » des zones d’éducation prioritaires en dehors des
concours imposés aux autres, la France terre d’accueil ouverte et sans
frontière, l’Europe fédérale, le culte de l’impôt, des prélèvements, de
la redistribution et de la dépense publique. Bien entendu tous ses
élèves ne succombent pas au lavage de cerveau et d’autant plus
méritoires sont ceux qui y résistent. Mais on y apprend aussi à se
croire plus intelligent que tout le monde. Outre les hauts
fonctionnaires, une bonne partie des personnalités politiques et des
journalistes parisiens sont passés par le moule. Sciences po explique
l’essentiel de la pensée unique, du conformisme et de l’esprit de caste
qui règnent sur la France. Quelques mois après le décès de son directeur
à New York, dans des conditions inhabituelles, la Cour des Comptes
vient de révéler des années de gabegie démentielle, une gestion
mégalomaniaque (le rachat du batiment parisien de l’ENA!) la corruption,
des détournements d’argent, des rémunérations exorbitantes. Pile ou
face, entre « Sainte Nitouche » et dérive mafieuse… Le temple de la
pensée unique, la pépinière des bonnes consciences et des donneurs de
leçon est ébranlé sur ses bases, même si la classe dirigeante et
médiatique se livre à mille contorsions pour faire oublier le naufrage,
par exemple en tapant sur l’ENA. Serait-ce au moins l’occasion de
repenser le mode de sélection et de formation des élites françaises ? Il
est entièrement à reconstruire en privilégiant la vraie diversité des
parcours et des profils, la revalorisation des universités, des facultés
de droit, d’histoire, d’économie, un renouveau de l’Ecole Normale
Supérieure dans ce processus, des écoles d’ingénieurs, de commerce ou
des écoles militaires, voire science po redevenu ce qu’il n’aurait
jamais dû cessé d’être… Mais non, il ne semble même pas en être
question… Encore une occasion ratée.
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