En 2014, il sera moins question de Grande crise, cette
apocalypse du capitalisme redoutée par certains mais que d'autres
désirent pour le remplacer par on ne sait d'ailleurs quoi.
En économie, prévoir à long terme - disons sur trois à cinq ans - est
plus facile que d'annoncer le taux de croissance de l'année qui vient.
Ce qui devrait se comprendre sans trop de peine. Dans la relative longue
durée, la croissance est à peu près inévitable parce qu'elle obéit à
des ressorts profonds. Le premier est l'innovation technique et
scientifique : celle-ci est un processus cumulatif qui conduit de
manière quasi nécessaire à de futurs produits et services. Il se trouve
qu'en raison du ralentissement économique des quatre dernières années,
se sont additionnées dans les laboratoires d'Amérique du Nord, du Japon
et de l'Europe, quantité de novations qui vont changer notre vie, en
particulier dans nos modes de soins, de communiquer, de nous déplacer,
d'habiter. Une autre découverte va réduire considérablement les coûts de
production industriels en Amérique du Nord et en Europe, la
généralisation de la production de gaz naturel par fracturation des
roches : l'Amérique du Nord est aujourd'hui à la veille de son
indépendance énergétique et l'Europe pourrait le devenir. Ceci conduira à
une ré-industrialisation de nos "vieux" continents.
Les innovations activent la croissance de long terme à condition que
des entrepreneurs prennent le relais des savants : or, la planète n'a
jamais connu une telle masse d'entrepreneurs parce que toutes les
nations, ou presque, Afrique et monde arabe inclus, se sont ralliées à
l'économie de marché : il est dorénavant permis d'entreprendre partout.
Cette combinaison de la science et du capitalisme est une force de
développement économique irrésistible dont on ne voit pas ce qui
pourrait l'interrompre. Il faudrait une catastrophe naturelle, brutale
et imprévisible par définition : même un hypothétique réchauffement
climatique susciterait un surcroît d'investissement capable d'en
contenir les effets.
Le court terme est, en revanche, plus aléatoire. Il est le champ des
paris qui garantissent la fortune ou la ruine des spéculateurs,
financiers, économistes à tendance prophétique, pseudo experts
gouvernementaux ou du FMI (à quoi sert le FMI ? Mystère...). Le court
terme répond à des impulsions politiques et psychologiques difficilement
quantifiables. Ainsi, aux États-Unis, les entrepreneurs attendent les
résultats des élections présidentielles et sénatoriales dont dépendront
leurs coûts de production futurs, masse salariale avec ou sans
assurance, exploitation massive ou non des énergies fossiles locales.
Mais, quel que soit le résultat, ces entrepreneurs s'adapteront, ils
recommenceront à investir et à tirer la croissance mondiale. La
situation est comparable en Europe : les anxiétés majeures sur l'Euro se
dissipent mais le cadre légal et politique de l'économie future reste
flou. Donc on attend : à la fois les consommateurs, les épargnants et
les investisseurs, avant de s'aventurer. L'incertitude politique règne
aussi en Chine, en Corée du Sud, au Japon et au Brésil : elle devrait se
dissiper dans les prochains mois.
Par une coïncidence extraordinaire, tous les pays moteurs de la
croissance mondiale, au début de l'année prochaine, devraient être dotés
de gouvernements nouveaux et de stratégies économiques claires. On en
conclura que les entrepreneurs retrouveront alors leur dynamisme
naturel. Les banques suivront : dans le long terme, pour elles aussi,
il est plus rémunérateur de financer des investissements privés que
d'acheter des Bons du Trésor à taux faible, ce qui est leur pratique
actuelle dictée par l'angoisse du lendemain.
On n'en trompettera pas que la croissance sera forte en 2014, parce
qu'il faudra du temps pour remettre en route les investissements et plus
encore recruter du personnel. Disons qu'en 2014, il sera moins question
de Grande crise, cette apocalypse du capitalisme redoutée par certains
mais que d'autres désirent pour le remplacer par on ne sait d'ailleurs
quoi.
dimanche 14 octobre 2012
Le mythe de la Grande crise
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