TOUT EST DIT

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dimanche 14 octobre 2012

Les vignerons ne veulent pas de châteaux en Amérique

L'interdiction des importations de vins américains étiquetés "château" pourrait être levée par la Commission européenne. Dans le Bordelais, la nouvelle est difficile à avaler.
Lorsque Dominique Haverlan colle ses étiquettes "Vieux Château Gaubert" sur ses bouteilles, voilà ce qu'il promet à ses clients : quatre cents ans de patrimoine français, le fruit de 35 hectares de vignes cultivés avec des soins de mère à l'ombre de bâtiments palladiens restaurés pour près de deux millions de dollars [1,54 millions d'euros] et le glorieux héritage vigneron du plateaux de Graves, dans la région de Bordeaux.
Dès lors, se demande Haverlan, comment des vignerons américains pourraient-ils revendiquer le droit d'écrire "château" sur leurs vins du Nouveau Monde ? Quels châteaux ? Ils ont des châteaux, en Amérique ? Le mot lui-même est français, fait-il observer, et le vieux château Gaubert, anciennement Le Bordillot, se dressait déjà quand l'Amérique n'existait pas. Comment les marchands américains peuvent-ils donc prétendre vendre de tels vins en Europe? Pire encore : en France, et peut-être même dans le Bordelais !?

"Ils veulent nous voler notre réputation"
De fait, la Commission européenne étudie la possibilité de lever l'interdiction sur les importations de vins américains étiquetés "château" ou "clos" (terme plus souvent utilisé en Bourgogne, où la vigne était traditionnellement travaillée par les moines). Le Comité de gestion de l'Organisation commune des marchés (OCM unique) devrait rendre sa décision ce 25 septembre. Celle-ci sera ensuite soumise à la Commission européenne qui, compte tenu de l'actuel mouvement pro-mondialisation en Europe, a de bonnes chances de l'approuver. "Ils essaient de nous voler notre réputation, s'indigne Haverlan en arpentant ses terres inondées de soleil. Les vrais châteaux ne sont certainement pas aux Etats-Unis".
La protection de l'appellation "château" sur les bouteilles de vin n'est qu'un chapitre parmi d'autres dans le long combat entre tradition et mondialisation. Dans tout le pays, les artisans et les agriculteurs se battent pour préserver la valeur d'un héritage vieux de plusieurs siècles – l'excellence du fromage, la perfection de la robe – face à l'invasion de mauvaises imitations tout juste débarquées d'un conteneur. Alors que les frontières disparaissent et que le commerce se désintéresse de plus en plus de l'origine des produits, leur voix peine de plus en plus à se faire entendre.
En 2011, les Français ont consommé en moyenne 46,1 litres de vin par personne. Ce secteur emploie près de 50 000 personnes, soit une part non négligeable de l'économie dans un pays où le chômage atteint les 10%. Les exportations représentent presque neuf milliards de dollars [près de 7 milliards d'euros] et contribuent rééquilibrer le solde d'une balance commerciale largement déficitaire. Le prestige des vins de Bordeaux attire depuis longtemps les étrangers.
Des Britanniques fortunés viennent acheter des châteaux dans le Bordelais depuis le 19e siècle, et même avant. Sont venus par la suite de riches Américains, puis des Japonais, dans les années 70. Aujourd'hui, c'est au tour des Chinois. Ils ont rachété une trentaine de châteaux dans la région de Bordeaux (qui en compte 7 400) au cours des trois dernières années.
Une querelle vieille de plusieurs années
Le problème n'est pas que des étrangers achètent des propriétés, souligne toutefois Haverlan. Cela aussi fait partie de la tradition bordelaise. Le problème est qu'en France, l'appellation "château" se rattache à une définition précise à laquelle les vins américains ne correspondent pas. Selon la réglementation française, seul un vin produit sur place et à partir des vignes de la propriété peut porter l'appellation "château".
La querelle sur l'étiquetage des vins américains remonte à plusieurs années. En 2006, les producteurs américains ont obtenu une dérogation de trois ans à l'interdiction d'exporter leurs "châteaux" en Europe. En contrepartie, les autorités américaines s'engageaient à lutter contre l'utilisation abusive d'appellations comme "Bourgogne", "Chablis" ou "Champagne" pour des breuvages produits très loin de ces régions françaises.
Voyant que les vignerons américains continuaient d'utiliser ces étiquetages, les autorités européennes ont décidé de mettre un terme à cette dérogation en 2009. Depuis, les Etats-Unis s'efforcent d'obtenir une nouvelle levée de l'interdiction pour leurs vins de "châteaux". Ils ont renouvelé leur demande à l'occasion d'une révision de la réglementation européenne sur les importations et les exportations de vins qui, sans cela, se serait déroulée dans la discrétion feutrée de la bureaucratie bruxelloise.


Lorsque Dominique Haverlan colle ses étiquettes "Vieux Château Gaubert" sur ses bouteilles, voilà ce qu'il promet à ses clients : quatre cents ans de patrimoine français, le fruit de 35 hectares de vignes cultivés avec des soins de mère à l'ombre de bâtiments palladiens restaurés pour près de deux millions de dollars [1,54 millions d'euros] et le glorieux héritage vigneron du plateaux de Graves, dans la région de Bordeaux.
Dès lors, se demande Haverlan, comment des vignerons américains pourraient-ils revendiquer le droit d'écrire "château" sur leurs vins du Nouveau Monde ? Quels châteaux ? Ils ont des châteaux, en Amérique ? Le mot lui-même est français, fait-il observer, et le vieux château Gaubert, anciennement Le Bordillot, se dressait déjà quand l'Amérique n'existait pas. Comment les marchands américains peuvent-ils donc prétendre vendre de tels vins en Europe? Pire encore : en France, et peut-être même dans le Bordelais !?
"Ils veulent nous voler notre réputation"
De fait, la Commission européenne étudie la possibilité de lever l'interdiction sur les importations de vins américains étiquetés "château" ou "clos" (terme plus souvent utilisé en Bourgogne, où la vigne était traditionnellement travaillée par les moines). Le Comité de gestion de l'Organisation commune des marchés (OCM unique) devrait rendre sa décision ce 25 septembre. Celle-ci sera ensuite soumise à la Commission européenne qui, compte tenu de l'actuel mouvement pro-mondialisation en Europe, a de bonnes chances de l'approuver. "Ils essaient de nous voler notre réputation, s'indigne Haverlan en arpentant ses terres inondées de soleil. Les vrais châteaux ne sont certainement pas aux Etats-Unis".
La protection de l'appellation "château" sur les bouteilles de vin n'est qu'un chapitre parmi d'autres dans le long combat entre tradition et mondialisation. Dans tout le pays, les artisans et les agriculteurs se battent pour préserver la valeur d'un héritage vieux de plusieurs siècles – l'excellence du fromage, la perfection de la robe – face à l'invasion de mauvaises imitations tout juste débarquées d'un conteneur. Alors que les frontières disparaissent et que le commerce se désintéresse de plus en plus de l'origine des produits, leur voix peine de plus en plus à se faire entendre.
En 2011, les Français ont consommé en moyenne 46,1 litres de vin par personne. Ce secteur emploie près de 50 000 personnes, soit une part non négligeable de l'économie dans un pays où le chômage atteint les 10%. Les exportations représentent presque neuf milliards de dollars [près de 7 milliards d'euros] et contribuent rééquilibrer le solde d'une balance commerciale largement déficitaire. Le prestige des vins de Bordeaux attire depuis longtemps les étrangers.
Des Britanniques fortunés viennent acheter des châteaux dans le Bordelais depuis le 19e siècle, et même avant. Sont venus par la suite de riches Américains, puis des Japonais, dans les années 70. Aujourd'hui, c'est au tour des Chinois. Ils ont rachété une trentaine de châteaux dans la région de Bordeaux (qui en compte 7 400) au cours des trois dernières années.
Une querelle vieille de plusieurs années
Le problème n'est pas que des étrangers achètent des propriétés, souligne toutefois Haverlan. Cela aussi fait partie de la tradition bordelaise. Le problème est qu'en France, l'appellation "château" se rattache à une définition précise à laquelle les vins américains ne correspondent pas. Selon la réglementation française, seul un vin produit sur place et à partir des vignes de la propriété peut porter l'appellation "château".
La querelle sur l'étiquetage des vins américains remonte à plusieurs années. En 2006, les producteurs américains ont obtenu une dérogation de trois ans à l'interdiction d'exporter leurs "châteaux" en Europe. En contrepartie, les autorités américaines s'engageaient à lutter contre l'utilisation abusive d'appellations comme "Bourgogne", "Chablis" ou "Champagne" pour des breuvages produits très loin de ces régions françaises.
Voyant que les vignerons américains continuaient d'utiliser ces étiquetages, les autorités européennes ont décidé de mettre un terme à cette dérogation en 2009. Depuis, les Etats-Unis s'efforcent d'obtenir une nouvelle levée de l'interdiction pour leurs vins de "châteaux". Ils ont renouvelé leur demande à l'occasion d'une révision de la réglementation européenne sur les importations et les exportations de vins qui, sans cela, se serait déroulée dans la discrétion feutrée de la bureaucratie bruxelloise.

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