La ministre de la Culture Aurélie Filippetti y était favorable. Il s’agissait de mettre en place une taxe que Google devait payer pour chaque lecture d'un article vers lequel le moteur de recherche aurait redirigé l'internaute. Les éditeurs de presse proposaient même de punir le défaut de rémunération par 3 ans de prison et 300 000 euros d'amende.
« Parmi les outils qu'il me semble important de pouvoir développer, je pense qu'il y a cette idée de créer un droit voisin pour les éditeurs de presse - ce que l'on a appelé un peu facilement la Lex Google - qui me semble extrêmement pertinente », avait déclaré mercredi 17 octobre, la ministre devant la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale. Un projet que le géant américain a préféré écarter immédiatement.
Menaces de Google
Google a donc envoyé, dès le lendemain, au gouvernement une « note blanche » dans laquelle il déclare qu’il « ne peut accepter que l'instauration d'un droit voisin pour le référencement de sites de presse français mette en cause son existence même ». Si une telle décision devait être prise en France, le moteur de recherche « serait en conséquence contraint de ne plus référencer les sites français ».Et d’ajouter : « Exiger de Google une rémunération au motif que son moteur de recherche dirige des lecteurs vers des sites de presse n'a pas plus de sens que d'exiger d'un taxiste qui conduit un client à un restaurant de rémunérer le restaurateur ».
Google n’a d’ailleurs pas hésité à rappeler qu’il redirigeait « quatre milliards de clics par mois vers les pages internet des éditeurs » français. Pour lui, « en réalité, l'ambition de ce texte est d'interdire le référencement non rémunéré. Une telle loi aboutirait à limiter l'accès à l'information, à réduire le nombre de sites français référencés sur Internet mais aussi à freiner l'innovation ».
Réactions du gouvernement et de la presse
Aurélie Filippetti n’a pas du tout apprécié la note et s’est dit « surprise » par son contenu : « Ce n'est pas avec des menaces qu'on traite avec un gouvernement démocratiquement élu », a-t-elle déclaré, avant d’ajouter : « Aujourd'hui, des sites qui agrègent des contenus comme Google utilisent la notoriété des éditeurs de presse, ainsi que ce qu'ils produisent. Il est donc légitime que les éditeurs de presse s'interrogent sur la manière dont il faut faire participer ceux qui diffusent leur contenu à leur financement. »Même réaction du côté des médias : « Google s'érige en censeur et envisage de décider seul quels contenus doivent être accessibles à l'ensemble des internautes, au mépris de sa mission d'intérêt général de référencement, au seul bénéfice de sa régie [publicitaire] », a lancé Denis Bouchez, directeur de l'IPG (association de la presse d'intérêt politique et générale). « Cette tentative d'étouffer tout débat par la menace est clairement un déni de démocratie. »
Mais ont-ils vraiment le choix ? Sans Google, quelle visibilité auraient les contenus sur Internet ? Toujours selon Denis Bouchez, « l'objectif de la proposition de droit voisin est de trouver un compromis acceptable entre les intérêts économiques des régies des moteurs, et la valeur qu'apportent les sites d'informations à ces mêmes moteurs dans l'intérêt commun du développement des deux acteurs », explique-t-il
Google réplique
Mais Google ne paraît pas intimidé : « Nous pensons qu'une telle loi serait très dommageable pour Internet. Ce n'est pas un secret, cela fait maintenant trois ans que nous le disons publiquement », explique un porte-parole du moteur de recherche.Une situation que devra donc régler la ministre déléguée en charge de l'Économie numérique, Fleur Pellerin, qui reçoit ce vendredi 19 octobre des représentants de Google France.
« Nous les recevrons pour évoquer les recommandations émises à son égard mardi par les 27 autorités européennes de protection des données, et le projet déposé par les éditeurs français pour taxer les moteurs de recherche », dit-on dans l'entourage de la ministre.
Discussions sous hautes tensions donc, car Google pourrait clairement mettre ses menaces à exécution. En 2011, le géant américain avait déréférencé tous les sites de presse belges pendant 24 heures, à la suite d’une plainte des éditeurs de presse…
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