(1) Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, Le Monde, 21/09/2012.
samedi 22 septembre 2012
Liberté d'expression
« Nous n'avons rien. Il ne nous reste qu'une chose : la fierté de l'islam ! »
Voilà
ce que l'on peut entendre dans la bouche de jeunes musulmans à travers
le monde des pays du sud sous-développés, mais on l'entend aussi dans
les banlieues de nos grandes villes où sévissent chômage de masse,
pauvreté et précarité... Voilà ce qu'on entendra tant que croissance et
développement feront défaut dans ces contrées, dans ces quartiers.
C'est à cette fierté que l'on s'est attaqué avec ce film odieux et
stupide, avec ces caricatures insultantes qui ont fait le tour de la
planète instantanément sur le web. Et les auteurs se justifient en
invoquant la liberté d'expression. Celle-ci nous est trop chère pour
qu'on la laisse instrumentaliser par des racistes, fussent-ils
religieux, ou par des gauchistes qui s'imaginent que leurs provocations
les placent aux avant-postes de la lutte pour la liberté.
La réalité est tout autre : par ces agressions contre ce qui est au
plus profond du coeur des musulmans, ils ne font qu'attiser les colères
qui facilitent et alimentent la rage obtuse des intégristes, des
fondamentalistes, des obscurantistes et leurs réactions violentes,
inadmissibles et absolument condamnables. Dès lors, ceux-là s'en
prendront d'autant plus aux libertés que nous souhaitons voir se
renforcer dans toutes les cultures, dans tous les pays, dans toutes les
strates des sociétés. Cette « islamophobie » qui réunit
bizarrement des gens d'extrême droite et d'extrême gauche dans
l'attaque et l'agression témoigne qu'ils sont devenus aussi extrémistes
et intolérants que ceux qu'ils prétendent combattre et qu'en réalité ils
renforcent. Bel ouvrage !
Respect et responsabilité
Mais il n'y a pas que les musulmans agressés qui se sentent atteints.
Il y a tous ceux qui souhaitent la paix, la concorde, la bonne entente
entre les gens de différentes appartenances, culturelles, religieuses,
nationales. Il y a tous les démocrates, tout autant attachés à la
liberté d'expression que les provocateurs qui en font une arme pour
blesser, meurtrir, rabaisser l'autre. Et puis il y a aussi, et on les
comprend, tous ceux, Français, Occidentaux, qui sont plongés dans les
pays d'islam et qui peuvent d'autant plus craindre de devenir la cible
de vengeances débridées.
La liberté d'expression doit être défendue partout, tout le temps.
C'est une évidence et un devoir. Mais il faut la défendre pour tout le
monde. C'est pourquoi les lois mémorielles nous paraissent
inacceptables. Mais, aujourd'hui, en France, ceux qui se sentent
offensés se voient interdire de manifester leur mécontentement. Ils en
sont également meurtris car ils ont le sentiment d'être là aussi
méprisés. Deux poids, deux mesures : le gouvernement interdit la
manifestation de protestation, mais pas ce qui l'a provoquée ! Comment
comprendre ? Surtout quand on est issu de « civilisations qui ne voient pas la liberté avec les mêmes yeux que ceux d'un Occident fortement sécularisé » (1).
La liberté d'expression n'interdit pas la courtoisie, les égards, le
respect de l'autre, de ses convictions, de ses croyances. Bien au
contraire ! La critique peut s'exercer sans blesser. La liberté
d'expression exige aussi le respect de l'autre et le sens de la
responsabilité.
(1) Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, Le Monde, 21/09/2012.
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