mardi 14 août 2012
Le Patriarche des Maronites et Benoit XVI menacés
« Bachar le veut »
Beyrouth, le 13 août 2012, 0 h 30.– La nouvelle est tombée jeudi matin. Soit le 9 août dernier. Cinq jours que nous sommes sonnés. L’ancien ministre, l’ancien député Michel Samaha, une figure incontournable des années de plomb et de toutes celles qui les ont suivies jusqu’à l’aube de ce 9 août, lorsque les Forces de Sécurité intérieure ont enfoncé la porte de son domicile pour l’arrêter. Ils l’ont arrêté et la scène politique libanaise se tait. Même ceux du clan irano-syrien se taisent. Assommés ? Préparant sa défense ? Préparant leur riposte qui ne pourrait être que violente et sanglante ? Je ne le sais pas. Pour l’instant ils se taisent. Et nous commençons à croire que l’impunité de l’assassin et du criminel a peut-être pris fin.
Michel Samaha a été inculpé d’association de malfaiteurs avec le général Ali Mamlouk, chef du bureau de la Sécurité nationale syrienne, dont le but était d’organiser l’exécution d’attentats terroristes et d’assassinats de personnalités religieuses, suscitant des violences religieuses d’abord dans le nord au Akkar puis dans toutes les autres régions, mais d’abord dans les zones chrétiennes. Première personnalité visée : le patriarche maronite Béchara Raï qui entame justement une visite pastorale dans le Akkar.
Le Akkar est la grande plaine du Nord-Liban, frontalière avec la Syrie, et où la tension reste forte depuis l’assassinat de deux dignitaires sunnites à un barrage de l’armée tenu par des officiers proches du Hezbollah et de Michel Aoun. Le plan diaboliquement machiavélique était le suivant : assassiner le patriarche en faisant porter la responsabilité du crime à des mouvements sunnites de la mouvance salafiste et (ou) proche de la Révolution syrienne. Le prétexte était tout trouvé : les positions extrêmement conciliantes de Béchara Raï avec le régime syrien. Cet assassinat devait être précédé d’un vaste lâchage de tracts de menaces dans les églises de la région. Les premiers ont bel et bien été distribués et il a fallu tout le discernement des autorités religieuses sunnites et chrétiennes pour calmer les esprits.
Selon des sources proches de l’enquête, Michel Samaha a immédiatement tout avoué. Et au juge abasourdi qui lui disait : « Mais pourquoi ? Pourquoi ? » Il répondait calmement, « simplement », « Bachar le veut ! »
Bachar le veut ! Trois mots qui disent tout. Trois mots qui ordonnent le meurtre, les explosions, les voitures piégées.
Bachar le veut ! Le Liban devait être à feu et à sang pour montrer au monde que cet exemple de convivialité séculaire ne pouvait recevoir le pape. Et si Benoit XVI passait outre et maintenait son voyage de septembre prochain un plan B était tout prêt.
Bachar le veut ! Et Samaha a avoué son soulagement d’être entre les mains de la justice libanaise, disant que le chaos programmé aurait inéluctablement mené à la destruction totale du Liban. On peut comprendre son « soulagement » ! Les bons serviteurs du régime des Assad sont souvent des suicidés de 12 balles ou qui se jettent sous les trains pieds et mains liés.
Bachar le veut ! Deux séries de remarques.
D’abord les faits. L’opération Samaha a été rendue possible grâce au retournement de l’un de ses agents. Retournement volontaire. De son nom on ne connaît que le dernier de ses pseudonymes : Kfoury soit les Dupont Durand du Liban. Samaha rejoint le général Ali Mamlouk à Damas. Ce dernier est devenu le numéro un des services de sécurité depuis qu’un attentat a décapité la cellule de crise de Bachar. Mamlouk fait charger la voiture personnelle de Samaha avec des explosifs liés à des détonateurs à distance – tous ont été retrouvés. Certains étant prévus pour détruire des immeubles entiers.
De retour au Liban, Samaha confie à Kfoury la mission d’organiser les attentats. Mais il y a là une erreur de casting. Kfoury n’est pas encore un homme à la conscience totalement morte, tout au service du régime syrien. Et sa fidélité à Samaha n’est pas encore plus forte que sa fidélité à son Eglise et à son pays. Il décide alors de se présenter aux services de renseignement des Forces de Sécurité Intérieure (FSI). Pas ceux de l’armée qu’il sait totalement noyautés par le Hezbollah et inféodés à Damas et à Téhéran. Les FSI lui demandent de continuer à jouer le jeu avec Samaha jusqu’à l’accumulation des preuves grâce, entre autres, à un micro incorporé dans un bouton et autres « gadgets » de ce type.
Face aux films et aux enregistrements, Samaha a tout reconnu, tout avoué. Bachar le veut ! a-t-il simplement dit.
Mais la nouvelle est ailleurs. Et elle est énorme ! Il existe encore dans un Liban dominé par le Hezbollah un service de renseignement, des forces de sécurité intérieure, des juges qui ont osé s’attaquer à l’un des symboles de cette mainmise du régime syrien au Liban. Qui ont réussi à résister à toutes les pressions. Et des pressions, il y en a eu.
Bachar el-Assad s’est personnellement impliqué pour obtenir la libération de son agent. Et les Libanais ont dit : non !
Pour prendre toute la mesure de la pêche des FSI il faut savoir que dès les premières heures de son élection en 2008, le président de la République libanaise, le général Michel Sleiman, a reçu un appel téléphonique de Bachar lui demandant que Michel Samaha soit l’unique lien entre eux. Et Sleiman a dit non. Mais Sarkozy, lui, a dit oui.
Si nous devons croire certaines sources médiatiques, Michel Samaha aurait été l’homme du rapprochement de Bachar et de Sarkozy et l’organisateur des deux voyages du dictateur syrien à Paris, comme il a été chargé de ses relations avec la presse parisienne.
Mais ce qui est encore plus énorme, c’est que ces engins explosifs trouvés chez Samaha sont absolument identiques à ceux employés pour l’assassinat de deux personnalités du Liban souverain : Samir Kassir (5 juin 2005) et Georges Haoui (21 juin 2005). Et chaque jour apporte son lot de révélations comme les fils qui pourraient mener aux deux attentats ratés de ces dernières semaines contre Samir Geagea et le député Boutros Harb, sans oublier la FINUL comme le soulignait le quai d’Orsay.
Un confrère titrait hier : La qaïda au Liban est chrétienne, avec un point d’exclamation ! Nous le savons tous : la qaïda au Liban est syrienne, de ce régime sanguinaire. Son instrument est aujourd’hui un chrétien. Demain nous le découvrirons… Non ! Espérons que nous n’aurons plus jamais de ces demains-là. Nous tenons le fil ténu de la fin de l’impunité, plaise à Dieu qu’il ne cède pas dans le fracas d’attentats et d’assassinats perpétrés par d’autres Samaha. Nous le savons, comme l’écrivait notre confrère du Nahar, des Michel Samaha au Liban nous en avons 70 ou davantage. Pour les neutraliser il faut que le régime des Assad tombe, ou que les FSI les découvrent au plus tôt.
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