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mardi 14 août 2012
100 jours : derrière la baisse de popularité de Hollande se joue la place de Sarkozy dans l'Histoire de France
Ce mardi marque les 100 premiers jours
de la nouvelle présidence. François Hollande entend rompre avec la
pratique du pouvoir de son prédécesseur. Mais son manque de volontarisme
politique suscite le doute des Français.
Alors qu'un sondage du Figaro publié ce
week-end indique que plus de la moitié des Français doutent de François
Hollande et que François Fillon s’en est pris à sa politique étrangère
et dénonce son "manque de courage", ce mardi marque les 100 premiers
jours à la tête de la France du nouveau président de la République. Le
regard critique des Français à son égard est-il le résultat d'une
certaine passivité de sa part au pouvoir, à un manque de volontarisme ?
David Valence
: Cette expression des "100 jours" est typiquement française : en
Espagne par exemple, personne n'a cherché à évaluer l'action du
gouvernement après 100 jours seulement, en mars 2012. Or, François
Hollande a tout fait pour se soustraire au fameux "bilan des 100
premiers jours". Il a voulu inscrire son action dans une temporalité
moins brève, moins volontariste.
A
l’inverse, beaucoup de gouvernants avaient usé de ce leitmotiv des 100
jours pour marquer l'opinion, mais aussi les media. C’était le cas de
Nicolas Sarkozy en 2007. Mais communiquer sur des objectifs
volontaristes à atteindre en 100 jours n'est pas sans risques ! Devenu
Premier ministre en 2005, au lendemain de l'échec du référendum sur le
traité constitutionnel européen, Dominique de Villepin avait prétendu "renverser la vapeur"
sur le terrain de l’emploi et trouver une réponse au chômage de masse.
Cela avait été un échec retentissant, que les média ne s'étaient pas
privés de pointer.
Si on cherche
absolument une ligne directrice aux 100 premiers jours d'exercice du
pouvoir de François Hollande, c'est assurément la thématique de la
justice, et notamment de la justice fiscale, qui se dégage.
C'est le sens de mesures d’affichage, de mesures symboliques sur la
rémunération des ministres ou le salaire d'une dizaine de cadres
d'entreprises publiques. Ces mesures ont un impact financier quasiment
nul. Elles permettront peut-être de faire accepter au citoyen, par la
suite, des mesures beaucoup plus difficiles qui toucheront tous les
ménages.
Un double problème se pose aujourd'hui à
la gauche au pouvoir. Elle n'a pas emporté la bataille des idées, même
si François Hollande a gagné l'élection. Sur l'insécurité, par exemple,
les Français sont très loin de Mme Taubira et plus proches de l'ancien
ministre de l'Interieur Claude Gueant. Le second problème est lié au
premier, mais à une dimension plus personnelle : c'est que les citoyens
ont l’impression que François Hollande n’est pas complètement "entré
dans le costume" de président.
Beaucoup
de journalistes ont insisté, pendant la campagne presidentielle, sur le
fait que le comportement de François Hollande serait plus en adéquation
avec le tempérament profond de la France. Or, d'un certain point de
vue, Nicolas Sarkozy flattait une propension très française à croire que
le politique peut tout.
L'historien François
Furet défendait l'idée que les Français avaient tout parié sur la
politique en 1789, et qu’ils aimaient cette illusion selon laquelle la
parole politique devenait instantanement action. Bref, qu'en France la
parole politique etait une parole "magique". Nicolas Sarkozy a joué à
plein de ce registre. À cela s'ajoutait, en 2007, un réel désir de
réforme pour retrouver le rang qui était celui de la France.
François Hollande est, à cet égard, le contraire : il fait comprendre que le politique ne peut pas tout. Il symbolise un certain renoncement, ou une certaine honnêteté du pouvoir politique sur sa propre capacité d'agir.
Sur le long terme, les Français prendront cela, soit pour une forme d'impuissance, soit pour un discours de vérité.
En
tout cas, Francois Hollande a gagné sur une non-promesse politique.
C’est la victoire du non-volontarisme sur la "parole magique" de la
politique. D’un certain point de vue, c’est moins conforme à la
tradition française. Au fond, le paradoxe de sa victoire tient à ce
qu'elle ressemble davantage à une réélection qu’à une élection : une
victoire sans vraie promesse de lendemains meilleurs.
Pas
complètement, il a conservé l’héritage de Sarkozy dans le rapport aux
médias : la communication du pouvoir actuel est prodigue en
informations, mais c'est une communication très dense sur la modestie du
pouvoir !
Lionel Jospin n’avait pas théorisé
l'impuissance de l'Etat. Il s'agissait plus d'un cri d’impuissance
ponctuel. Dans l’action de Francois Hollande, il y a une volonté
d’expliquer que la politique ne peut pas tout. Je le répète : c'est
honnête mais risqué !
En vérité, la vraie question
qui se pose pour Francois Hollande est celle de savoir quelle sera la
place de Nicolas Sarkozy dans l’Histoire nationale. Si cette trace est
perenne, et que le volontarisme reste la norme de la parole politique
dans l'inconscient des Français, alors très vite il y aura une
impopularité massive du pouvoir en place et un retour en grâce de
l’ancien président. Si en revanche Nicolas Sarkozy a marqué profondément
en négatif le tempérament national, en donnant l’impression que le
volontarisme était seulement une agitation, alors il y a fort à parier
que le pouvoir pourra continuer sur la ligne qu’il tient aujourd’hui.
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